Tous les sons du monde

Une sélection de dix albums de l’année. Du funk à la samba, en passant par le fado et le jazz. Entre révélations et talents confirmés… Chacun pourra y trouver son bonheur.

Publié le 12 août 2008 Lecture : 5 minutes.

Samba-funk

America Brasil o Disco – Seu Jorge

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Si, pour vous, la musique brésilienne se résume aux batucadas ou à la bossa doucereuse de Carlos Jobim, penchez-vous de très près sur Seu Jorge. Autre génération, autre style. Le nouveau pape de la samba-funk, star montante dans son pays dans la lignée d’un Lenine ou d’un Carlinhos Brown (même si pour ce dernier l’essoufflement est patent), impressionne par la maîtrise musicale de son troisième album. Après Cru (2005), la voix suave et rocailleuse de Jorge nous transporte des pieds à la tête entre morceaux modernes (« América do Norte ») et traditionnels (« Voz da Massa »), ornés de cuicas, de cavaquinhos et d’agogos enfiévrés. Distinction particulière pour « Cuidar de mim ».

Rock-Pop

Rockferry – Duffy

Plus sage que son aînée l’icône néopop Amy Winehouse, la jeune Galloise de 24 ans Duffy offre un premier opus chaleureux. Très ancré dans les sixties, le single « Mercy » (« pitié ») fut en tête des charts anglais pendant cinq semaines. Une juste récompense pour cette chanteuse découverte par Richard Parfitt en 2004 et élevée toute son enfance dans l’influence de Doris Duke.
Voix sensuelle et répliques de chÂÂÂurs sur fond d’orgue Hammond donnent du corps aux arrangements de Bernard Butler. À noter le très beau « Stepping Stone ». Sorti en juin, le nouveau single « Warwick Avenue » rencontre déjà un vif succès.

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Jazz Vocal

Breakfast on The Morning Tram – Stacey Kent

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À mi-chemin entre chanson et jazz vocal, le petit déjeuner salé-sucré auquel nous convie cet opus ne contient que de nobles ingrédients : amour, sérénité, optimisme. Dix ans après Close Your Eyes (1997), Stacey Kent est au diapason des attentes de notre époque. Produit par le saxophoniste Jim Tolimson, son mari depuis 1991, ce treizième album – le premier chez Blue Note – réalisé en quintet acoustique assoit définitivement le swing feutré de cette native du New Jersey. Sorti en France en septembre 2007, il est devenu disque d’or.

Fado

Abril – Cristina Branco

Bel hommage que celui rendu par l’une des fadistes les plus en vue à José « Zeca » Afonso, dont on a fêté l’an dernier les vingt ans de la disparition. Cristina Branco n’a jamais caché son admiration pour ce grand compositeur et poète, figure emblématique de l’opposition au régime salazariste. Entre fado traditionnel et sons plus modernes, sa voix nous plonge tout au long de ces seize morceaux dans une saudade bouleversante. Dès le premier morceau (« Menino d’Oiro »), l’éclat de l’expression n’est pas sans rappeler celui d’Amália Rodrigues. Mais la représentante de la nouvelle génération du fado, accompagnée ici par le guitariste Custódio Castelo, sait imposer son propre style tout en permettant à ce genre musical de se renouveler.

Blues-Folk

Nobody Left to Crown – Richie Havens

La barbe conique poivre et sel, les doigts ornés de bagues à dominante turquoise et les gris-gris bien en vue autour du cou, Richie Havens ajoute à sa discographie déjà bien épaisse (25 disques) un Nobody Left to Crown vantant la liberté et l’amour du prochain. Reconnaissable entre tous, le timbre chaleureux de Havens nous transporte, tout comme nous fait vibrer la guitare flamenco de Derek Trucks. Cet écrin blues funky est l’un des meilleurs disques de celui qui fit l’ouverture du festival de Woodstock en 1969.

Funk

Check That Funk – Ceux qui marchent debout

Depuis quinze ans, la fanfare déjantée des six inséparables compères embrase tout sur son passage. Pour le bonheur de tous. Même si l’on n’aime pas a priori le funk, difficile pour autant de rester insensible à la force de frappe de ces cuivres, de ces polyrythmies réglées au millimètre et de l’intrépide banjo de Bruno « Grand » Clark. Davantage adaptée au live, la formule fanfare-funk se prête d’ordinaire difficilement aux enregistrements. Mais Ceux qui marchent debout (CQMD) s’en sortent, comme à leur habitude, avec brio. Les textes délirants et les riffs décapants révéleront le côté groover invétéré de tout un chacun.

New Soul/R&B

New Amerykah – Erykah Badu

Entre Erykah Badu, Nneka, Asa ou Ayo, la scène « nu soul » ne manque pas d’ambassadrices. Les amateurs sont comblés. Comme l’évoque le titre de sa dernière livraison, la nouvelle Erykah Badu repart en guerre contre l’Amérique d’un certain George Bush et continue de dénoncer les dérives de son temps, comme l’ultralibéralisme. Un message fort et d’autant mieux reçu qu’il est mis en valeur par la trompette jazz-funk de Roy Hargrove, les claviers de Shafiq Husayn – également producteur – et la guitare d’Om’Mas Keith. La suite de cet album – New Amerykah Part 2, Return of the Ankh – sortira, en France, en octobre.

Kora

The Mande Variations – Toumani Diabaté

À quoi reconnaît-on les grands maîtres ? Ils sont capables de se lancer dans d’interminables interprétations. Mais ce qui vaut pour le piano ou le saxophone relève de la gageure pour la kora. La dernière production de Toumani Diabaté démontre à quel point sa harpe-luth n’a à rougir ni de sa sonorité ni de ses possibilités. Sur ces huit variations jouées en solo, la star malienne s’adonne à un déluge de notes improvisées sur 21 cordes. Enregistré à Londres, cet album permet au compagnon du regretté Ali Farka Touré de marquer un point décisif pour faire apprécier son instrument et sa virtuosité.

Jazz

River The Joni Letters – Herbie Hancock

À 68 ans, le monstre sacré des claviers poursuit sa quête de sensations musicales et rend hommage à la chanteuse pop canadienne Joni Mitchell. L’ancien pianiste de Miles Davis livre aussi des arrangements intimistes inspirés du « Tea Leaf Prophecy » de l’égérie des années 1970. Pour cet album récompensé aux Grammy Awards 2008, le « Caméléon » s’est entouré de ses deux complices, le saxophoniste Wayne Shorter et le bassiste Dave Holland, mais aussi de son « poulain », le guitariste béninois Lionel Luéké. Et les textes sont chantés par Norah Jones, Leonard Cohen ou encore Tina Turner.

Rap

À l’ombre du show business – Kery James

« Vu comme c’est parti, tu sais qu’il n’y aura pas de refrain ! » D’emblée, Kery James avertit l’auditeur. Dans ce quatrième album, le rappeur franco-haïtien brise la routine de la structure refrain-couplet-refrain au profit d’un message continu, qui n’en est que plus intense et efficace. Si le registre de la colère est présent sur des titres enragés, on est loin de l’autoapitoiement auquel s’habitue le rap français. Kery James exhorte au ­contraire la jeunesse des cités à aspirer à l’excellence. À l’ombre du show business révèle un artiste mature et lucide, audacieux et ambitieux.

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