[Tribune] Patrice Talon : quel agenda pour son deuxième mandat ?

Alors qu’il entame son deuxième quinquennat, le président béninois doit poursuivre ses efforts en faveur du développement et trouver, sur un plan politique, un juste équilibre entre rigueur et compassion.

Le président béninois Patrice Talon à Cotonou le 9 septembre 2020. © Vincent Fournier pour JA

Le président béninois Patrice Talon à Cotonou le 9 septembre 2020. © Vincent Fournier pour JA

PADONOU-Oswald
  • Oswald Padonou

    Docteur en sciences politiques. Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité

Publié le 20 avril 2021 Lecture : 4 minutes.

Le 3 février 2016, à l’aube d’une campagne électorale qui devait porter Patrice Talon au pouvoir, Jeune Afrique publiait mes propositions sur ce qu’il fallait attendre du futur élu ; les actions prioritaires qu’il me semblait indispensable de conduire pour redresser la barre d’un Bénin où tout était urgent.

J’avais mis l’accent, entre autres, sur la mécanisation et la diversification des cultures agricoles pour accroître la production et les revenus des producteurs ; l’emploi des jeunes à travers la promotion des filières de formation professionnelle et technique ; l’accélération des investissements publics et privés dans les grands travaux ; la production et la distribution à bas coût d’énergie pour accélérer l’industrialisation du pays ; l’amélioration de la couverture sanitaire ; l’exploitation d’une véritable économie numérique.

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Au-delà de ces politiques publiques prioritaires, j’avais également indiqué les changements structurels indispensables pour porter le renouveau espéré. Il s’agissait ainsi de réformer l’administration en bannissant toute forme de gaspillage et en privilégiant la culture de l’excellence, du mérite et de la transparence ; réduire la part de l’informel dans l’économie afin d’accroître les ressources de l’État et de mieux assurer la « sécurité humaine » de chaque citoyen ; mettre en place un mécanisme de financement public des partis politiques, assorti d’obligations, afin de mettre un terme à la « clochardisation » des partis, si préjudiciable à la vitalité démocratique.

Donner des gages d’ouverture

Le curseur a bougé sur chacune de ces propositions. Des évolutions notables ont été enregistrées. Le président Patrice Talon a eu l’occasion de présenter son bilan aux Béninois, qui lui ont renouvelé leur confiance. Il sied à présent de définir les priorités de son deuxième quinquennat.

D’emblée, le Bénin de 2021 n’est plus celui de 2016. Le monde a bien changé depuis, et le Bénin avec ! Avec quelques autres États, le pays fait exception avec une croissance économique positive en contexte pandémique. Pour autant, l’herbe n’y est pas verte pour tous ! Au moment où les Béninois entrent dans l’ère Talon II, le confort passe nécessairement par la recherche de l’équilibre. L’équilibre entre rigueur et compassion. Entre démocratie et développement.

Les voix dissonantes doivent continuer de s’exprimer et les esprits libres avoir droit de cité.

Car, comme chacun sait, un relatif sentiment de peur plane sur le pays. Or, la jouissance des libertés avec un sens de la responsabilité et du discernement est indispensable au développement de la créativité. L’un des défis sera donc de libérer les énergies, de donner des signes et des gages d’ouverture pour que les voix dissonantes continuent de s’exprimer et que les esprits libres aient toujours droit de cité.

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Jeunesse et contre-pouvoirs

Par ailleurs, la durabilité des réformes politiques, économiques et institutionnelles ne pourra être garantie que par le renforcement des compétences de l’administration et par l’indépendance des contre-pouvoirs, de sorte que les progrès accomplis transcendent les personnes et le régime. Il sera alors indispensable d’améliorer le rendement des services publics et, donc, la productivité des fonctionnaires.

Et il importe surtout de consolider et de faciliter la mise en œuvre des prérogatives des contre-pouvoirs, en particulier celles du Parlement et de la justice. Ce faisant, le président Talon pourra alors inscrire son action dans la postérité, au-delà du style qu’il imprime actuellement à l’action publique. De sorte qu’au terme de son deuxième et dernier mandat, les Béninois, dans une plus grande majorité comprennent, adhèrent, soutiennent et contribuent davantage à la société de devoirs et non pas seulement de droits qu’il promeut.

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Pour y parvenir, l’accent devrait être davantage mis sur l’emploi d’une jeunesse qui doute et à laquelle le développement d’une agriculture mécanisée, d’industries viables et l’éclosion de l’écosystème numérique pourra offrir de belles perspectives d’avenir si elle y est préparée dès à présent. Outre les salariés des secteurs publics et privés, les entrepreneurs pourront ainsi s’enrichir davantage pour qu’à l’horizon 2026, plusieurs multimilliardaires nationaux – idéalement éloignées des cercles du pouvoir – revendiquent leurs succès grâce aux opportunités induites par les réformes de l’ère Talon.

Le développement du capital humain reste également une priorité avec des investissements attendus dans la santé et l’éducation destinés à améliorer l’Indice de développement humain (IDH) qui n’est qu’à 0.545 en 2019. Ce qui place le pays à la peu satisfaisante 158e position sur 189 pays et territoires.

Pas à l’abri de tumultes

Dans un contexte régional troublé par l’incapacité des États à contenir les menaces attentatoires à la paix et à la sécurité, le Bénin n’est pas à l’abri des tumultes. Malgré les réformes opérées et les investissements consentis dans les secteurs de la défense et de la sécurité durant le premier quinquennat, les besoins sont loin d’être couverts.

Cotonou devra réinventer sa présence au monde et accroître son leadership régional

Le pays devrait enfin se doter d’une loi de programmation militaire et de la sécurité intérieure en faisant progresser la part du budget général de l’État consacré à ce secteur. En 2020, l’État béninois a prévu 41 milliards pour sa défense nationale et 54 pour sa sécurité intérieure. Cela correspond à moins de 5 % des 2167 milliards de F CFA du budget général de l’État et en fait l’un des plus faibles ratios de la région.

Enfin, Cotonou devra réinventer sa présence au monde et accroître son leadership régional en déployant une diplomatie plus ambitieuse pour révéler le Bénin nouveau. Celui incarné par la vision Alafia 2025 : « … Pays-phare, […] bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social ». Ainsi, en dépit de quelques anicroches, toutes les composantes de l’Etat convergeront vers la félicité, au panthéon syncrétique du vodun, du christianisme et de l’islam pratiqués en osmose dans un Bénin qui devra progresser en restant ancré dans ses valeurs de démocratie, de dialogue, de tolérance, de justice et de travail !

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