Sur un air de plébiscite

Quelque 20 % des électeurs se sont déplacés pour aller voter lors des élections locales du 29 juin. Qu’en sera-t-il l’an prochain à la présidentielle ?

Publié le 12 août 2008 Lecture : 4 minutes.

Désintérêt, incompréhension, geste de désaveu envers le pouvoir autant qu’à l’égard de l’oppositionÂÂ Dans les états-majors des partis politiques comme dans la rue, les conversations vont bon train pour tenter d’expliquer le taux extrêmement élevé de 80 % d’abstention aux élections locales du 29 juin dernier. Certains affirment que les Congolais n’ont pas compris l’enjeu du scrutin et qu’ils méconnaissent le rôle des élus locaux. S’il accepte, en partie, cette explication, Michel y met toutefois un bémol : « Nous n’avons pas été suffisamment informés, faute de débats à la télévision, sur le pourquoi de ces élections. » La non-révision des listes électorales est une autre explication. « Il n’y a pas eu de réajustement des listes depuis 2002. Pour ma part, je n’étais pas inscrite en 2002. Je n’ai donc pas pu voter. Nous sommes plusieurs dans ce cas », assure Vivienne.
Pour d’autres, le boycott des élections par une partie de l’opposition, en particulier par l’Alliance pour la république et la démocratie (ARD) – créée en octobre 2007, qui regroupe une dizaine de partis politiques -, expliquerait la forte abstention. Certains avancent aussi que le très faible taux de participation viendrait de la perte de confiance des populations. « Les dés sont pipés dès le départ. Pourquoi aller voter alors qu’on connaît les résultats avant le scrutin ? » se plaint Jean. Pour l’opposition, cette défiance signerait le discrédit du pouvoir en place. C’est le point de vue de Mfumu Fylla Saint-Eudes, du Parti républicain et libéral (PRL), et de Clément Miérassa, président de l’ARD et leader du Parti social-démocrate congolais. À l’évidence, la grogne est partout. Pour bien des Brazzavillois, le gouvernement n’a pas « assez travaillé » pour améliorer les conditions de vie et créer des emplois. Même dans l’arrondissement de Talangaï, le plus grand de la capitale, la population ne s’est guère mobilisée pour aller voter. Pour elle, rien ne change, et le quotidien est toujours difficile.
Plus généralement, c’est toute la classe politique qui est discréditée. Particulièrement montrés du doigt : la corruption et le « vagabondage » politique. « Les politiciens passent d’un camp à l’autre en fonction de leurs intérêts personnels. Ils veulent des postes et de l’argent, c’est tout », déclare, amer, Jacques, à Bacongo. À l’intérieur des partis, les dirigeants n’échappent pas aux critiques de la base. « Nous sommes tenus à l’ÂÂil par les militants », confie Miérassa.
La perte de confiance est telle que beaucoup souhaitent voir apparaître de nouvelles têtes. Et appellent de tous leurs vÂÂux à une mobilisation de la société civile ainsi qu’à l’organisation de débats sur les questions qui touchent le quotidien des gens.
Si, généralement, une présidentielle mobilise plus d’électeurs qu’une élection locale, il n’en reste pas moins que, même au sein du Rassemblement de la majorité présidentielle (RMP) – une plate-forme d’une centaine de partis et d’associations soutenant le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso – et du Parti congolais du travail (PCT), on craint une forte abstention en 2009. Du coup, on commence à se mobiliser en vue de la prochaine campagne, en misant sur le thème de la paix.
L’opposition, pour sa part, se dit prête à se battre pour que la présidentielle se déroule dans l’équité, la paix et la transparence. Mais elle veut « l’institution d’une commission électorale indépendante et l’organisation d’un recensement administratif des électeurs sur une base consensuelle », déclare Miérassa. Toutefois, même si ces conditions ne sont pas réunies, l’ARD ira aux élections. Quel sera son candidat ? « Nous réfléchissons à l’organisation de primaires qui permettront d’élire notre tête de liste », assure-t-il.
Du coup, rien n’est sûr pour Mathias Dzon, ancien ministre des Finances et leader de l’Union patriotique pour le renouveau national, membre de l’ARD, qui s’est positionné comme candidat potentiel. Parmi les autres candidats déjà déclarés figurent le député Joseph Kignoumbi Kia Mboungou, de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) – du moins d’une de ses branches -, mais qui ne se présentera pas sous la bannière de son parti, ainsi qu’Angios Nganguia-Engambé, qui se dit proche de la majorité présidentielle.
Un an avant le scrutin, il est encore difficile de savoir comment se recomposeront les alliances. Le Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS) de feu Jean-Pierre Thystère Tchicaya (décédé le 20 juin dernier) rejoindra-t-il l’opposition ? L’an dernier, peu avant la fin de son mandat à la tête de l’Assemblée nationale, Tchicaya s’était montré très critique envers le pouvoir au sujet de l’organisation des législatives de 2007 et de la gestion des finances publiques.
La population, pour sa part, souhaite que des leaders solides se mettent sur les rangs. En tout cas, même si Denis Sassou Nguesso emporte la présidentielle, il faudra « gérer l’après-élection, car les tangages ne sont pas à écarter », affirme un proche du camp présidentiel.

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