Politique

Publié le 12 août 2008 Lecture : 9 minutes.

Il ne faut chercher dans ce panel de personnalités aucun classement, ni en termes de préséance ni en termes de poids politique. Celles et ceux que nous avons retenus jouent tous, à leur manière, un rôle clé dans l’Algérie du président Abdelaziz Bouteflika. Civils ou militaires, islamistes ou laïcs, caciques ou jeunes loups, au pouvoir ou dans l’opposition, chacun d’entre eux contribue, de près ou de loin, à la décision politique. Dans cette liste figurent notamment cinq ministres, dont trois sont issus de la garde rapprochée du chef de l’État. On y trouve également le jeune frère et conseiller du président, Saïd, ainsi que deux femmes, qui n’appartiennent pas à la même génération mais qui, l’une et l’autre, témoignent du rôle croissant du sexe dit faible dans la sphère politique.

Zohra Drif
70 ans, vice-présidente du conseil de la nation (Sénat)

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Héroïne de la bataille d’Alger et veuve de Rabah Bitat, qui fut l’un des initiateurs de la guerre de libération, cette femme énergique incarne le courant moderniste de la classe politique algérienne. Farouchement anti-islamiste, cette féministe originaire de Tiaret a longtemps vécu dans l’ombre de son époux, boudant les postes officiels auxquels elle préférait sa carrière d’universitaire et son combat pour l’égalité des sexes, qu’elle a commencé à mener dès le lendemain de l’indépendance. Après avoir vécu comme un « drame personnel » l’adoption, en 1984, du code de la famille – qui transforma la femme en mineure à vie -, elle consacre depuis toute son énergie à son abrogation. Plusieurs hauts responsables lui doivent leur carrière, le président Abdelaziz Bouteflika ne refusant rien à la sénatrice Zohra Drif.

Ahmed Ouyahia
56 ans, premier ministre

Énarque, le président du Rassemblement national démocratique (RND, deuxième force politique du pays) collectionne les records : il fut à la fois le plus jeune Premier ministre du pays, à l’âge de 43 ans, celui qui a occupé le poste le plus longtemps et celui qui y fut nommé le plus souvent (trois fois). Ce natif de Bouadnane, en Kabylie, a fait toute sa scolarité à Alger. Il a la réputation d’être un bourreau de travail, dépourvu d’états d’âme quand il s’agit de faire appliquer des mesures impopulaires, comme en 1996, lorsqu’il dut réduire les effectifs et les salaires de la fonction publique, sur injonction du Fonds monétaire international (FMI). Intransigeant avec les islamistes, il assume son statut d’« éradicateur », expression utilisée en Algérie pour désigner les partisans du tout répressif, mais s’est laissé convaincre par la politique de réconciliation nationale d’Abdelaziz Bouteflika.
Favorable à un troisième mandat de ce dernier, Ahmed Ouyahia s’est publiquement engagé à ne jamais se présenter à une élection contre lui.

Noureddine Yazid Zerhouni
70 ans, ministre de l’Intérieur

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L’inamovible numéro deux de tous les gouvernements successifs d’Abdelaziz Bouteflika est au cÂÂur du régime algérien depuis l’indépendance du pays, le 5 juillet 1962. Lieutenant de l’ancien Premier ministre Kasdi Merbah et fondateur de la Sécurité militaire (SM), Noureddine, alias Yazid, Zerhouni a donné naissance au service Action, qui fera la réputation des services de renseignements algériens. En 1978, il prend la direction de la SM durant quelques mois, puis est successivement nommé ambassadeur à Washington, Mexico et Tokyo. Revenu à Alger en 1992, il connaît une traversée du désert jusqu’au retour aux affaires d’Abdelaziz Bouteflika, en 1999. Depuis, il a retrouvé un rôle central dans les rouages du pouvoir.

Chakib Khelil
69 ans, Ministre de l’Énergie et des Mines

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Formé aux États-Unis, le Monsieur Pétrole d’Abdelaziz Bouteflika est un ancien de Sonatrach, le groupe public d’hydrocarbures qu’il a contribué à structurer. Khelil a donné un coup d’accélérateur à sa carrière grâce à un passage remarqué à la Banque mondiale, où il s’est occupé des questions énergétiques en Amérique latine. Polyglotte (arabe, français, anglais, espagnol), homme de confiance du président de la République, il effectue, depuis le 1er janvier, son second mandat à la tête de l’Opep, après un premier passage en 2001. Sous sa houlette, le secteur pétrolier et gazier algérien a connu un véritable essor : augmentation des capacités de production, développement de la pétrochimie et des capacités de raffinage, acquisition de nouveaux tankers, mise en chantier de deux nouveaux gazoducs.

Mohamed Mediene, alias Toufik

68 ans, général, chef des services de renseignements

Il a battu le record de longévité à la tête des services secrets algériens, qui était détenu jusque-là par Kasdi Merbah, chef de la Sécurité militaire (SM)de 1962, année de sa création, à 1978. Le général (trois étoiles) Toufik a hérité de cette fonction en septembre 1989, et l’occupe encore à ce jour. Le poste lui sied particulièrement bien, tant le mystère qui entoure Mohamed Mediene est important : on ne connaît en effet que très peu de chose de la vie de ce natif de Bordj Bou Arreridj (230 km à l’est d’Alger), et aucune photo de lui n’est connue. Le mythe qui s’est construit autour de Toufik alimente donc les rumeurs les plus fantaisistes. Incarnation de la notion de pouvoir occulte, ce militaire a eu une carrière « publique » qui s’est divisée en quatre étapes. Elle a commencé à Alger en 1962, lorsque Yazid Zerhouni fait appel à lui pour structurer la SM ; elle se poursuit à Oran, dix ans plus tard, quand il devient l’un des principaux collaborateurs de Chadli Bendjedid, alors chef de la IIe région militaire, puis à Tripoli en 1983, où il est attaché de Défense à l’ambassade d’Algérie en Libye ; elle s’achève enfin à Alger en 1989, quand il est nommé à la tête du Département Renseignement et Sécurité (DRS, ex-SM).

Abdelhamid Temmar
69 ans, ministre de l’industrie et de la promotion des investissements

Ancien du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), dont il a été le représentant résident à Libreville, au Gabon, dans les années 1980, ce natif de Tlemcen fait partie des rédacteurs du programme économique électoral du président de la République, avec lequel il entretient des relations depuis très longtemps. Celles-ci remontent à 1963, quand Temmar fut nommé directeur de cabinet du ministre de la Jeunesse et des Sports, ministre qui n’était autre qu’Abdelaziz Bouteflika. Ses penchants libéraux et son ton cassant lui valent de nombreuses inimitiés. Les partis de gauche et les syndicats le vouent aux gémonies, mais sa proximité avec le chef de l’État lui sert de bouclier. Volontariste, perpétuellement en lutte contre les forces d’inertie, il privatise à tour de bras et encourage les partenariats entre les secteurs public et privé. Il a conçu une nouvelle stratégie industrielle identifiant les filières prioritaires avec, à la clé, une spécialisation industrielle pour chacune des régions.

Amar Ghoul
47 ans, ministre des Travaux Publics

Docteur en physique nucléaire, cet islamiste originaire d’Aïn Defla (150 km à l’ouest d’Alger) est membre de la direction du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas). Homme de terrain, sa fougue a séduit Abdelaziz Bouteflika qui en a fait son « chef de chantier préféré ». Son secteur, les Travaux publics, enregistre depuis quelques années une croissance à deux chiffres. Grâce à son look et à son ouverture d’esprit, il a réussi à faire oublier son appartenance politique. En charge des grands projets (autoroutes, ports, aéroports, etc.), il est en permanence sur les chantiers pour enjoindre les entreprises qui les réalisent de respecter les délais de livraison. Enfin, il est l’un des rares membres de l’exécutif à donner satisfaction à l’exigeant président algérien.

Saïd Bouteflika
54 ans, Conseiller du président

Les mauvaises langues le surnomment « vice-roi » tant son influence, réelle ou supposée, alimente la rumeur. Cet ancien syndicaliste, cofondateur de la Confédération nationale de l’enseignement supérieur (Cnes), est de tous les voyages, officiels ou privés, de son frère Abdelaziz, chez qui il trouve une oreille attentive. Protocole, sécurité, correspondance téléphonique et Internet du chef de l’État : il se mêle de toutes les affaires présidentielles.
Bref, Saïd est, depuis avril 1999 et le retour aux affaires de son grand frère, la cheville ouvrière d’El-Mouradia, le palais présidentiel. Parmi ses autres prérogatives, il aurait aussi pour mission de superviser, pour le compte du chef de l’État, les investigations issues des dénonciations qui parviennent à la présidence. Mythe ou réalité ? Quoi qu’il en soit, en privé, le petit frère se défend d’avoir autant de pouvoir et affirme que son rôle se limite à veiller au confort et à la sécurité de son aînéÂÂ

Cherif Rahmani
63 ans, ministre de l’aménagement du territoire, de l’environnement et du tourisme

Ce natif de Djelfa a fait toute sa carrière dans l’administration et peut se targuer d’être, aujourd’hui, le seul Algérien à avoir été gouverneur d’Alger, une fonction créée à la fin des années 1990, puis supprimée en 2002. Grand commis de l’État, Cherif Rahmani est promis à un bel avenir politique. Membre de la direction du Rassemblement national démocratique (le RND d’Ahmed Ouyahia), il a aussi occupé – sans interruption – plusieurs fonctions ministérielles ces quinze dernières années. Il doit sans doute cette rare longévité à son efficacité dans les dossiers sensibles et à son riche carnet d’adresses. En charge du très important ministère de l’Aménagement du territoire, il s’est vu confier par Bouteflika la délicate mission d’organiser la lutte contre les disparités régionales en matière de développement. Le tourisme lui incombe également. Un dossier tout aussi sensible pour le ministre, qui a été chargé de rendre la destination Algérie plus séduisanteÂÂ

Louisa Hanoune
54 ans, chef du Parti des travailleurs

Première femme candidate à une élection présidentielle, en 2002, cette « dame de fer » a connu les geôles du régime du parti unique et a longtemps incarné l’extrême gauche dans les milieux estudiantins algériens. Native de la région d’Annaba, dans l’est du pays, Louisa Hanoune a donné un nouveau visage à l’opposition trotskiste. Son parti est sans doute la seule formation de cette obédience à avoir des militantes voilées, signe extérieur qui sied davantage aux partis islamistes. Pasionaria au verbe haut, elle privilégie la souveraineté nationale plutôt que les intérêts économiques. Au Parlement, sa cible préférée est le ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, à qui elle reproche sa politique de privatisation. Au nom de l’intérêt des « masses laborieuses », elle combat l’impérialisme américain, dénonce sans relâche les effets pervers de la mondialisation et organise des meetings de soutien en faveur des Palestiniens, des Irakiens ou des grévistes. Allergique à toute forme d’interventionnisme étranger, elle a toujours prôné une politique de réconciliation nationale. C’est son seul point commun avec Abdelaziz Bouteflika.

Saïd Sadi
60 ans, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie

Psychiatre depuis une vingtaine d’années, opposant depuis toujours et infatigable militant de la cause berbériste, Saïd Sadi a séjourné en prison à plusieurs reprises durant les années de plomb. Dès l’introduction du multipartisme, en 1989, il crée le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui se veut le champion du combat démocratique, intransigeant envers le pouvoir et les islamistes. Avec des idées similaires et les mêmes territoires électoraux, le RCD devient l’ennemi numéro un du Front des forces socialistes (FFS), fortement implanté, lui aussi, en Kabylie. La rivalité pour le leadership des démocrates algériens entre Saïd Sadi et Hocine Aït Ahmed, dirigeant historique du nationalisme algérien et fondateur du FFS est telle qu’elle relègue souvent au second plan les priorités du moment. En vingt ans d’existence, le RCD n’a connu qu’un seul patron. Saïd Sadi a toujours réussi à contenir les ambitions de ses lieutenants, broyant toute velléité de contestation interne. Plusieurs de ses compagnons de route en ont fait les frais, parmi lesquels Khalida Toumi, actuelle ministre de la Culture, ou encore Mokrane Aït Larbi, naguère brillant homme politique, aujourd’hui revenu à son cabinet d’avocat.

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