Odinga aux manettes

Cinq mois après sa formation, le gouvernement de coalition reste populaire. Mais peine à mettre en route les réformes.

Publié le 12 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Les Kényans respirent. Le spectre de la guerre civile ne menace plus le bidonville de Mathare (Nairobi) ni les faubourgs d’Eldoret, dans la vallée du Rift. Associés à la gestion du pouvoir, les partisans du président Mwai Kibaki et ceux de l’opposant Raila Odinga, devenu Premier ministre, tentent de panser les plaies ouvertes par l’élection de décembre 2007. Depuis le 28 février, un gouvernement de grande coalition est censé s’attacher à « construire un nouveau Kenya ».
En visite au Royaume-Uni, le 23 juillet, Raila Odinga a assuré avec vigueur la promotion de son pays et essayé de convaincre les investisseurs qu’ils pourraient y trouver « beaucoup de nouvelles opportunités ». Selon lui, les principaux objectifs du gouvernement comme la réconciliation nationale, les réformes structurelles, la lutte contre la corruption et l’adoption d’une nouvelle Constitution ne pourront être atteints que si le Kenya dope son taux de croissance. Objectif : passer de 7 % à 10 %.
Il va falloir travailler dur pour séduire les investisseurs, refroidis par les sanglantes émeutes du mois de janvier et les quelque 1 500 morts et 350 000 déplacésÂÂ
Forte tête et politicien adroit, Raila Odinga est aujourd’hui le mieux placé pour jouer l’ambassadeur. À l’étranger, nombreux sont ceux qui le considèrent comme le véritable vainqueur de l’élection présidentielle. Début juillet, un sondage « sortie des urnes » réalisé par des chercheurs de l’Université de Californie (San Diego) et longtemps tenu secret donnait Odinga vainqueur avec 46 % des votes, contre 40 % à son rival. Les résultats officiels, eux, ont donné 46 % à Kibaki et 44 % à Odinga.

Pas de blanc-seing

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Une récente enquête d’opinion confirme la popularité inentamée du Premier ministre. Cent jours après la formation du gouvernement de coalition, le groupe Steadman a interrogé plus de 2 000 Kényans pour conclure qu’Odinga recueille 75 % d’opinions favorables, contre 68 % pour Kibaki. Ces taux particulièrement élevés trahissent surtout le soulagement des Kényans. Rien à voir avec un blanc-seing accordé à un gouvernement qui est encore loin d’avoir fait ses preuves.
La fragile coalition doit surmonter à la fois ses divergences et un manque de liquidités. Pléthorique – il comporte plus de quarante ministres -, le gouvernement coûte environ 300 millions de dollars de plus que prévu, ce qui occasionnera vraisemblablement des coupes franches dans un budget déjà mis à mal par les efforts consentis pour rebâtir le pays. Plus de deux mois après le lancement d’un programme de retour des déplacés, 150 000 personnes demeurent coincées dans des camps ou des lieux de transit. Rentrer chez soi est particulièrement compliqué pour ceux qui vivaient dans des bidonvilles et peuvent difficilement faire valoir leurs droits sur quelques mètres carrés de terrainÂÂ déjà réoccupés par d’autres squatteurs.

Équilibre fragile

La principale promesse de Kibaki – rendre l’éducation secondaire gratuite, comme il l’avait fait en 2002 pour l’éducation primaire – semble d’ores et déjà remise en cause. Si le président affirme que le nombre d’élèves inscrits a augmenté de 300 000 depuis janvier, la plupart des écoles soutiennent n’avoir reçu qu’environ 25 % des sommes promises. Résultat : certaines vont jusqu’à demander aux parents 1 300 dollars par an au lieu des 300 prévus à l’origine.
Si, contrairement au Zimbabwe, le Kenya a su s’extraire du chaos, l’équilibre trouvé demeure fragile. La pauvreté, le chômage, la hausse des prix alimentaires et la corruption restent au cÂÂur des préoccupations des Kényans. Dont les dirigeants, malgré une apparente harmonie, continuent de s’écharper en coulisse en prévision de l’élection de 2012. Odinga est bien sûr déjà en course. Quant à Kibaki, la Constitution actuelle l’empêche de se représenterÂÂ

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