Mohamed Leftah

L’écrivain marocain est décédé le 20 juillet à 62 ans. Il laisse derrière lui une oeuvre intemporelle et inclassable. Poétique et profane à la fois.

Publié le 12 août 2008 Lecture : 2 minutes.

L’un des écrivains les plus étonnants et les plus talentueux du Maroc n’est plus. Mohamed Leftah est mort le 20 juillet 2008 au Caire, où il habitait depuis une dizaine d’années. Pourquoi Le Caire ? Parce que sa sÂÂÂur y résidait, tout simplement. Cet homme aux semelles de vent (pour une fois, ce n’est pas un cliché) aurait pu vivre n’importe où parce que sa vraie patrie, c’était la langue française. Fou de lecture, ivre d’écriture, c’est dans les mots qu’il trouvait sa consolation quotidienne.
Né à Settat, au Maroc, en 1946, Leftah avait fait des études à Casablanca, qu’il avait poursuivies à Paris, dans une école d’ingénieurs. Il perpétuait en cela la tradition de l’écrivain marocain francophone doté d’une solide culture scientifique, tradition brillamment inaugurée par Driss Chraïbi et continuée par tant d’autres. En 1968, au milieu des événements qui secouent la capitale, il est ce qu’il sera toujours : intemporel, inactuel, « ailleurs » : il écrit des poèmesÂÂÂ et s’enivre.
En 1972, il revient au Maroc, devient informaticien puis journaliste littéraire au Matin du Sahara et au Temps du Maroc. Il faut bien vivre. Mais sa passion, c’est l’écritureÂÂÂ alors il écrit avec fièvre, avec grâce, dans l’anonymat total.
En 1992, les éditions de l’Aube publient Demoiselles de Numidie, un livre extraordinaire, inclassable, courageux, peut-être génial, d’une écriture qui coule de source, une écriture poétique et profane à la fois : l’action se passe quand même dans un bar en sous-sol, que ceux qui connaissent Casablanca n’ont aucun mal à identifier avec le cabaret Don Quichotte, en plein centre de la ville.
Pourquoi un homme aussi évidemment doué est-il resté si longtemps méconnu ? Pourquoi une telle cécité ? Faut-il maudire les éditeurs, les critiques littéraires, le monde en général ? On ne sait. Heureusement, un autre fou de lecture, Salim Jay, n’aura de cesse d’agiter le monde de l’édition jusqu’à ce que l’injustice soit réparée : les Éditions de la Différence viennent de rééditer Ambre ou les Métamorphoses de l’amour, Une fleur dans la nuit, Au bonheur des limbes, L’Enfant de marbre, Un martyr de notre temps et Demoiselles de Numidie. Deux titres sont annoncés pour janvier 2009 : Le Jour de Vénus et Une chute infinie. Alléluia ! Mais c’est hélas trop tard pour ce styliste hors pair qui ne nous laisse que des regrets.

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