Olam : « Notre stratégie consiste à aller de l’agriculteur jusqu’à l’assiette »
Arrivé en Afrique en 1989, le groupe singapourien Olam fête ses 25 ans de présence sur le continent, où il réalise près de 23 % de son chiffre d’affaires. Venkatramani Srivathsan, le patron Afrique et Moyen-Orient, présent au Africa CEO Forum, a accepté de répondre aux questions de « Jeune Afrique ».
Basé à Singapour depuis 1995, le groupe Olam opère aujourd’hui dans le négoce de cacao, de café, de noix de cajou, de sésame et de riz. Ces dernières années, il s’est développé des plantations jusqu’aux produits alimentaires et génère désormais 22,9% de ses revenus (année 2012-2013) en Afrique, soit 4,7 milliards de dollars. Il y emploie plus de 9 000 personnes dans 25 pays, de l’Algérie à Madagascar. Olam, qui a des projets important au Gabon, est également actionnaire du géant agro-industriel ivoirien (huile de palme, caoutchouc, sucre) Sifca. La semaine dernière, il a fait l’objet d’une OPA de la part d’un consortium mené par Breedens Investments, une filiale détenue à 100% par Temasek pour les 47,5% du capital qu’il ne détient pas encore. Venkatramani Srivathsan, membre du comité exécutif du groupe singapourien et directeur pour la zone Afrique Moyen-Orient répond aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Vous avez lancé un projet de culture rizicole au Nigeria, quelle est votre stratégie dans le secteur ?
Venkatramani Srivathsan :C’est bien connu, avec des importations d’environ 2 millions de tonnes de riz par an, le Nigeria est l’un des tout premiers importateurs de riz au monde. Ce qui l’est moins, c’est que le pays produit 3 millions de tonnes de riz… Mais c’est une production à petite échelle, destinée à la famille et à l’entourage proche. Depuis quelques années, le gouvernement mène une politique volontariste pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et cherche à attirer des investissements dans le secteur agricole. De notre côté, nous avons décidé de lancer une expérience de culture rizicole à grande échelle sur 6 000 hectares dans l’Etat de Nasawara (au centre du pays, ndlr) avec laquelle nous espérons une production d’environ 60 000 tonnes de paddy (riz non décortiqué, ndlr) par an.
Nous sommes en train de construire une usine de transformation qui aura une capacité bien supérieure de manière à pouvoir acheter la production des fermiers locaux.
A côté des cultures, nous sommes en train de construire une usine de transformation qui aura une capacité bien supérieure, de manière à pouvoir acheter la production des fermiers locaux dans le cadre de notre système d’aide aux agriculteurs. Nous les aidons, nous les formons et nous leur garantissons un revenu en rachetant leur production. Le projet devrait démarrer en 2015.
JA : Est-il indispensable de mettre en place des barrières protectionnistes pour que le riz produit localement soit compétitif ?
VS : Si nous parvenons à atteindre le rendement prévu de 10 à 12 tonnes par hectare, nous serons compétitifs commercialement. Il est certain que les pays asiatiques comme l’Inde ou la Thaïlande produisent pour beaucoup moins cher. Mais si l’on ajoute les coûts de transport et les barrières tarifaires mises en place dans de nombreux pays d’Afrique, on arrive à un coût qui nous permettra de concurrencer les importations.
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JA : Quelle est la prochaine étape de cette expérience ? Sera-t-elle dupliquée ailleurs en Afrique ?
VS : Nous avons toujours grandi en Afrique en reproduisant notre modèle dans les différents pays. Nous voulons nous étendre, mais nous devons d’abord bien accomplir la première étape. Ce sont aussi des projets qui nécessitent des conditions climatiques particulières, des terres arables disponibles. Nous allons aussi inspirer des concurrents.
Plus largement, notre stratégie consiste à couvrir l’ensemble de la chaîne de création de valeur. Au début, nous couvrions le chemin de la ferme à l’usine en allant au plus près possible des agriculteurs. Maintenant, notre stratégie consiste à aller de l’agriculteur jusqu’à l’assiette, en proposant des produits comme des snacks, du concentré de tomates…
JA : Le groupe marocain OCP a récemment investi dans une usine d’engrais au Gabon. Où en est votre désinvestissement annoncé l’an dernier dans le méga-projet d’usine d’engrais que vous montiez dans le cadre de Gabon Fertilizer Company (GFC) ?
VS : Nous recalibrons nos activités au Gabon, mais, même si nous voulons réduire notre participation dans GFC en dessous de 50%, il faut souligner que l’investissement du groupe OCP concerne du phosphate et non pas de l’urée, deux engrais qui n’ont pas le même usage. Nous devrions trouver un investisseur assez rapidement, d’autant plus que le projet est maintenant presque terminé. Nous cherchons à optimiser notre bilan. En dehors du Gabon, nous voulons optimiser notre gestion foncière dans les amandes en Australie et en Californie. Nous avons présenté un plan de désendettement sur deux ans qui est en bonne voie.
JA : Le fonds souverain singapourien Temasek a récemment lancé une OPA sur le capital. Cela est-il susceptible de changer la stratégie d’Olam ?
VS : Malheureusement nous ne pouvons pas commenter sur une opération en cours.
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Propos recueillis par Nicolas Teisserenc, envoyé spécial à Genève
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