Mariages mixtes
J’ai appris qu’après le voile la grande mode actuellement chez les Maghrébines consiste à convoler avec un étranger. Il n’est plus rare, en effet, de voir de jeunes et moins jeunes musulmanes ramener à la maison le bon Italien ou le bon Français de souche, qu’il soit de passage ou coopérant. Coup de foudre ou besoin de s’en sortir matériellement, attrait de l’Europe, goût de l’Autre, ou simple conséquence de la mondialisation.
Si les difficultés juridiques n’ont pas changé, elles ne cessent d’être contournées. Le monsieur qui s’appelle Alexandre ou Michel est rebaptisé Skander ou Mehdi, on lui inventera une ascendance turque ou iranienne s’il le faut. Quant à la condition nécessaire à la validation du mariage, à savoir la conversion, il suffit de passer devant un mufti. Deux témoins, la profession de foi (la chahada), trois versets dans un arabe approximatif, quatre génuflexions, et le tour est joué.
Les nouveaux couples ont droit aux mêmes festivités que les autres : salle de mariage, petits fours et grands frais pour le coiffeur, le hammam et le henné. La totale. De quoi donner au roumi l’impression de vivre les Mille et Une Nuits. Personne ne s’offusque désormais de la chose, dans des sociétés où il s’agit d’abord de soigner la vitrine et d’être solvable aux yeux de l’opinion publique. On n’ira pas voir si le Michel-Mehdi fera ses prières en direction de La Mecque ou du Vatican, s’il mangera de l’agneau ou du cochon.
Heureux temps, donc, par rapport à l’ancien où les unions de ce genre se faisaient à coups de ruptures et de drames familiaux, de scandales qui s’étendaient comme incendie dans les villes et les douars.
À ce propos, qui ne se souvient pas à Tunis de l’histoire d’amour qui avait défrayé la chronique au début des années 1970 entre un juif tunisien, grande figure des médias aujourd’hui décédée, et une musulmane pur sang ? Indignation dans les demeures bourgeoises, refus des autorités religieuses de rajouter un fils de Moïse à la liste des fidèles de Mohammed, intervention auprès des plus hautes sphères de l’État pour dénouer le suspense cultuel.
Et d’aucuns se rappellent le jour où, avant la cérémonie du mariage, l’heureux élu s’en est allé chercher son papier de converti en se faisant accompagner d’un célèbre homme de théâtre. Une fois sorti de chez le mufti-pourvoyeur-de-certificats-de-conversion, il remonta dans la voiture, le comédien au volant. Sauf que, au lieu de se voir conduire auprès de sa dulcinée, son ami musulman prit une autre direction et n’arrêta le moteur que devant la synagogue de l’avenue de Paris.
« Mais, diable, que fais-tu », interrogea, perplexe, le futur marié. « Rien, je vais voir le rabbin ! » « Pourquoi ? » « Pour lui suggérer ceci : ÂÂVous venez de perdre un israélite, je me porte candidat pour le remplacer !ÂÂ »
Comme quoi il n’y a que les artistes pour bouleverser les frontières du convenu en usant de l’humour et de la dérision. Et il n’y a que les femmes pour brouiller les identités en intégrant à leurs risques et périls des étrangers dans la tribu.
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