Le Rwanda accable la France

Publié le 12 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Créée en 2005 pour « rassembler des éléments de preuve montrant l’implication de l’État français dans la préparation et l’exécution du génocide perpétré au Rwanda en 1994 », la commission Mucyo a rendu public son rapport, le 5 août à Kigali. Celui-ci était prêt depuis novembre 2007.
Pour les enquêteurs rwandais, aucun doute : la France est bel et bien impliquée dans le génocide. Dès le début de la guerre, déclenchée en 1990 par le Front patriotique rwandais (FPR) contre le régime de Juvénal Habyarimana, la France, indique les rapporteurs, savait que des massacres de grande ampleur étaient en préparation.

Conseillers militaires

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Cette affirmation s’appuie sur la présence de nombreux conseillers militaires français auprès des autorités et de l’armée rwandaises de l’époque. En outre, la lecture « ethnique » du conflit faite par le gouvernement de François Mitterrand aurait contribué à conforter le pouvoir en place. Pour les enquêteurs, c’était une manière de soutenir « le régime Habyarimana dans l’élaboration de sa doctrine génocidaire ».
Bref, la France aurait donc encouragé, formé et armé les génocidaires, avant, pendant et après les massacres. Ces accusations s’appuient sur des travaux déjà connus, des témoignages recueillis auprès de plusieurs dizaines de personnes, des archives tant officielles que privées et la découverte de documents inédits. Les enquêteurs se sont rendus dans des pays comme la Belgique, la France, la Tanzanie et l’Allemagne. Ne doutant pas une seconde que l’État français a joué un rôle direct dans le génocide, la commission Mucyo a dressé une liste de ceux qu’elle considère comme les principaux responsables, qu’ils soient civils (François Mitterrand, Alain Juppé, François Léotard, Hubert Védrine, Édouard Balladur, Jean-Christophe Mitterrand, Dominique de Villepin, notamment) ou militaires. Ces derniers se voient également reprocher de nombreux viols de Tutsies, ainsi que des cas d’implication directe dans des assassinats et de non-assistance à personne en danger.
La commission relève que les États-Unis, la Belgique et les Nations unies ont reconnu leur responsabilité et leur passivité lors du génocide. Après avoir demandé pardon au peuple rwandais, « ils n’ont pas entravé les efforts de reconstruction du pays et de réconciliation nationale ». En clair, les Rwandais reprochent aux Français de ne pas s’être impliqués dans la reconstruction du Rwanda après la tragédie.

Plainte ou règlement ?

Deux recommandations de la commission retiennent l’attention. La première demande à Kigali « de se réserver le droit de porter plainte contre l’État français pour sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide devant les instances judiciaires internationales habilitées ». La deuxième n’écarte pas l’hypothèse d’un règlement diplomatique, à condition que Paris « reconnaisse l’entière étendue de sa responsabilité » et prenne « des mesures de réparation conséquentes, en accord avec le gouvernement rwandais ».
Publié alors qu’un rapprochement paraissait en cours, le rapport de la commission Mucyo démontre, s’il le fallait encore, que rien ne sera réglé sur le fond entre les deux capitales tant que l’État français n’aura pas reconnu sa part de responsabilité dans les prémices et le déroulement du génocide de 1994. En France, les personnalités visées par le rapport qualifient ses conclusions d’« inadmissibles » et jugent qu’elles constituent une réponse aux mandats délivrés par le juge Bruguière contre plusieurs responsables rwandais. Les ONG et nombre d’observateurs estiment quant à eux qu’elles constituent une utile contribution à la manifestation de la vérité. La normalisation, elle, attendra.

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