[Tribune] Covid-19 – Quand les diplomates passent à l’offensive
Afin de mieux contrer les effets de la crise sanitaire, l’ambassadeur du Maroc suggère des actions mieux coordonnées entre les différentes chancelleries du monde.
La crise liée à la pandémie de coronavirus a introduit des ruptures flagrantes dans le cours de la vie de l’homme. Première d’entre elles, le rapport de ce dernier à son destin, dont il se sent dépossédé, avec pour seules perspectives, des lendemains incertains. Aux premières heures de la catastrophe, les réactions alarmistes observées aux quatre coins du monde dénotaient un sentiment de peur, mais surtout une volonté de reprendre le contrôle. Prendre le dessus sur le virus et endiguer sa propagation était devenu la priorité d’une communauté internationale engagée dans un bras de fer contre l’incertitude et pour la survie. Mais si l’ambition était commune et mondiale, les moyens mis en œuvre n’étaient malheureusement pas toujours aussi globaux et concertés. Alors qu’une certaine introversion nationaliste commençait à prévaloir, l’importance vitale du système international est apparue de façon soudaine et exacerbée.
Puissances en compétition
Le déclenchement de la pandémie a, dans un premier temps, suscité des doutes sur la capacité et l’intégrité des organisations internationales à faire face au poids des puissances en compétition. Le Covid a mis à nu des manquements institutionnels d’une gouvernance multilatérale alourdie par des redondances bureaucratiques et des défaillances opérationnelles. Il apparaît clairement qu’une refonte est nécessaire, en vue d’un renforcement des mécanismes et des procédés de ces institutions.
Il conviendra, désormais, d’inscrire l’action diplomatique dans le cadre d’un multilatéralisme de complémentarité qui se fonde sur un socle commun de valeurs, de visions et de stratégies. La gouvernance mondiale doit gagner en flexibilité sans perdre en crédibilité. Il ne s’agit pas d’imposer la volonté du plus fort au plus faible, mais de trouver les consensus d’une cohérence globale où chaque partie assumerait ses obligations. Les rapports de force doivent laisser place au « rapport d’interdépendance ». En tout état de cause, l’unilatéralisme n’a aucune cohérence dans un monde d’intervulnérabilité.
Tout l’enjeu pour la diplomatie africaine sera d’outiller ses mécanismes de déploiement à l’international pour porter un même message et poursuivre une même ambition. L’Union africaine de demain doit être plus inclusive, plus cohérente et plus organisée. Les idéologies révolues doivent laisser place au pragmatisme en faisant prévaloir le droit et l’action sur toute autre considération politicienne.
S’appuyer sur les réseaux sociaux
Les questions autour des rapatriements, les contrats de vaccinations, la gestion des opinions publiques, la relance des économies sont autant d’impératifs pour une diplomatie qui ne saurait s’exercer uniquement dans la contiguïté des salons fermés à New York, au risque de perdre toute pertinence. La diplomatie de demain s’exercera dans les couloirs des ministères des Affaires étrangères, mais également dans ceux des grandes multinationales, des laboratoires, des think tank sans oublier les plateaux de télévision et les universités. Si le diplomate déserte ces couloirs, il déserte le terrain et l’objet même de son action. Face à un spectre élargi d’acteurs de la société internationale, le diplomate s’impose comme un pivot qui transmet l’information et négocie la décision.
L’innovation deviendra un outil et une finalité dans les jeux géopolitiques et géostratégiques
Le diplomate doit gagner en expertise et en réactivité pour évoluer dans un environnement qu’il doit être en mesure de transformer au gré des exigences du moment. La capacité à s’appuyer efficacement sur les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de communication seront les attributs obligatoires des futurs diplomates. La dématérialisation et la digitalisation progressives du travail du diplomate sont inéluctables, à tel point qu’on observe aujourd’hui l’émergence d’une forme de diplomatie virtuelle. L’importance du « soft power » dans la diplomatie augmentera, particulièrement dans ses déclinaisons scientifique et technologique. L’innovation deviendra un outil et une finalité dans les jeux géopolitiques et géostratégiques. Le diplomate devra élargir le spectre de ses interlocuteurs en engageant de façon plus efficiente la communauté scientifique, les multinationales, la société civile et les ONG qui sont, désormais, des acteurs incontournables et souvent déterminants dans les relations internationales.
Approche solidaire et responsable
À l’échelle africaine, il nous appartient de toujours regarder vers l’avenir de cette émergence continentale, qui fédère les identités et mobilise les forces d’une nation africaine aux forces vives inégalées. Le leadership de Mohammed VI a fait de l’avènement africain une perspective non seulement voulue mais tracée à la faveur d’une vision globale, d’une action inclusive et d’une approche solidaire et responsable. En interne comme à l’international, la vision de Mohammed VI est celle qui érige la dimension humaine au cœur des priorités, en conditionnant toutes les perspectives de développement d’abord et avant tout aux bien-être, à la santé et à la sécurité du citoyen africain. La décision historique de généraliser la couverture sociale, pour tous les Marocains, préside en réalité de cette même culture d’altruisme, de cette même démarche de responsabilité et de cette même conviction humaniste.
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