Le cas Abdallahi

Publié le 12 août 2008 Lecture : 2 minutes.

SIDI OULD CHEIKH ABDALLAHI va finir par devenir, à son corps défendant, expert en coup d’État. Il était déjà au nombre des victimes du putsch qui, le 10 juillet 1978,
déposa Moktar Ould Daddah dont il était ministre. Trente ans plus tard, l’Histoire se répète: le 6 août 2008, alors qu’il n’occupe la fonction de chef de l’État que depuis seize mois, il est renversé par un quarteron de militaires (voir l’enquête de notre envoyée spéciale pp. 12-15), ceuxlà même qui avaient mis fin au régime de Maaouiya Ould Taya, le 3 août 2005. Décidément, la chaleur de l’été, en Mauritanie, semble
propice aux coups de forceÂÂ
En 2005, personne n’avait vraiment regretté la chute d’Ould Taya, dictateur autoritaire s’il en est, arrivé lui-mêmeau pouvoir, en 1984, à l’issue d’un putsch. Aujourd’hui, fort heureusement, la réaction de la communauté internationale est tout autre. Condamnations
et menaces de sanctions pleuvent sur le général Mohamed Ould Abdelaziz, le nouvel homme fort de Nouakchott, et ses comparses. Encore faudra-t-il joindre le geste à la paroleÂÂ
On peut reprocher beaucoup de choses à Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Parmi les principales critiques exprimées par ses détracteurs, sa gestion ambiguë de la menace terroriste et son incapacité à répondre aux attentes d’une population confrontée à la vie chère. Sa relative naïveté et sa présumée faiblesse, qu’il qualifiait pour sa part de « prix à payer pour la démocratie ».Mais les arguments mis en avant pour déposer « Sidi », tant par les membres du « Haut Conseil d’État »- qui affirment vouloir « sauver le pays » (voir l’interview de Mohamed Ould Abdelaziz pp. 14-15) – que par une partie de la classe politique – à qui la perspective de postes ministériels ou dans la haute administration fait perdre toute décence, au point de vouer aujourd’hui aux gémonies celui qu’elle encensait hier – sont pour le moins fallacieux.
Sidi Ould Cheikh Abdallahi a été élu, et, de l’avis de tous – observateurs internationaux et opposition -, bien élu. Son élection constituait un motif de fierté pour l’Afrique. La Mauritanie était citée en exemple. Le colonel Ely OuldMohamed Vall, qui a conduit la transition entre août 2005 et mars 2007, a acquis la stature d’un démocrate et d’un sage. À l’heure où ces lignes sont écrites, il ne s’est toujours pas exprimé sur la situation de son pays. Joint par téléphone en Irlande, où il séjournait pendant que ses anciens collègues plaçaient « Sidi » aux arrêts, il nous a expliqué ne pas vouloir réagir dans la précipitation. Mais s’il est un avis qui compte et qui pèsera de tout son poids, c’est bien le sien.
Espérons que la torpeur du mois d’août n’entamera pas la détermination de ceux qui restent attachés aux principes démocratiques. Dans le cas contraire, ce serait un signal extrêmement négatif qu’enverraient les dirigeants africains. Après les crises kényane et zimbabwéenne, le continent n’avait vraiment pas besoin de cela.

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