Indéboulonnable MPLA

Face à une opposition faible et divisée, le parti au pouvoir depuis 1975 a de grandes chances de remporter les élections législatives du 5 septembre prochain. Il pourrait ainsi renforcer encore son emprise sur le pays.

Publié le 12 août 2008 Lecture : 5 minutes.

Au fur et à mesure que s’approchent les législatives du 5 septembre, l’atmosphère devient plus lourde en Angola. Le 5 août, la tension est encore montée d’un cran avec le lancement officiel de la campagne électorale. L’enjeu du scrutin – le premier depuis seize ans – est considérable. Il s’agit tout d’abord de consolider la paix et le processus de démocratisation d’un pays marqué par les vingt-sept années de la guerre civile ayant opposé le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola, au pouvoir depuis 1975) et l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola, principal parti d’opposition).
En 1992, les résultats des précédentes législatives avaient été contestés par l’Unita, qui avait aussitôt repris les armes. Toutefois, si le retour de la guerre civile est une crainte profondément ancrée dans le coeur des Angolais, la plupart des observateurs excluent une telle éventualité. En mars, le ministre de la Défense, Kundi Paihama (MPLA), a accusé l’Unita de multiplier les caches d’armes en vue de saboter les élections. Mais il n’a pu fournir aucune preuve à l’appui de ses allégations, et le porte-parole du MPLA l’a publiquement désavoué.
On voit d’ailleurs mal comment l’Unita, décapitée en 2002 par la mort au combat de son fondateur et leader charismatique, Jonas Savimbi, pourrait reprendre les armes. La plupart de ses hauts responsables sont aujourd’hui installés dans de belles villas de la périphérie de Luanda et ne paraissent pas vraiment intéressés par un retour au maquisÂÂ
Il n’en demeure pas moins que, dans un pays où les rivalités partisanes se doublent souvent de rancÂÂurs personnelles héritées de la guerre, les violences politiques peuvent fortement perturber le processus électoral. D’autant que les nombreux « dérapages » ne revêtent pas toujours le caractère aussi spontané que le laisse entendre le MPLA. Lequel est régulièrement accusé par l’opposition de mettre en ÂÂuvre une véritable stratégie d’intimidation.

Tentative d’assassinat

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Dernière affaire en date, le 11 juillet, la mise à sac par de jeunes vandales du tout nouveau local de l’Unita dans le quartier de Sambizanga, à Luanda, a suscité la colère du parti du « Coq noir ». Certes, l’événement n’est pas aussi grave que la tentative d’assassinat contre Isaías Samakuva, en mars 2006 – trois policiers avaient tenté d’abattre le leader de l’Unita à Ndalatando (Nord-Ouest). Il n’empêche : la dernière ligne droite avant les élections risque d’être aussi « musclée » que les préparatifs du scrutin dans les provinces.
En février, les maisons de plusieurs partisans de l’Unita avaient été brûlées par des membres du MPLA dans les provinces de Bié (Centre), Huambo et Benguela (Ouest). Des responsables du Front pour la démocratie (FPD) et du Parti libéral démocratique (PLD) avaient également été arrêtés alors qu’ils recueillaient des signatures destinées à valider la candidature de leur parti aux élections (14 000 signatures à travers le pays étaient nécessaires, dont au moins 500 dans chacune des 18 provinces). Et, en juin, le FPD s’était même fait voler sa liste de signatures lors d’une attaque de son bureau de Malangue par des soldats en uniforme.
Quoi qu’il en soit, 14 partis et coalitions présenteront finalement 5 198 candidats au suffrage des 8 millions d’électeurs recensés – sur les 16,4 millions d’habitants – afin de pourvoir 220 des 223 sièges du Parlement (3 sièges étant réservés aux Angolais de l’extérieur), selon un scrutin de liste proportionnel à un tour. Un vote qui ne devrait cependant pas remettre en cause la nette domination du MPLA.
Comptant désormais plus de 2,8 millions de membres, le parti du président José Eduardo dos Santos a su capitaliser les retombées politiques des efforts de reconstruction nationale, en particulier dans le domaine des infrastructures. Le nombre de partisans du MPLA a explosé, y compris dans les bastions traditionnels de l’Unita comme les provinces de Huambo et de Bié, où il est respectivement passé de 29 000 et 32 000 membres en 2002 à 500 000 et 350 000 aujourd’hui.
Le MPLA a réussi cette progression en jouant sur son image de reconstructeur, mais aussi en usant de moyens parfois à la limite de la légalité. La campagne ne débutant officiellement que le 5 août, il ne s’est pas privé, par exemple, d’organiser pendant plusieurs mois des rassemblements sportifs et des festivals de musique populaire partout à travers le pays. Le MPLA s’est ainsi taillé la part du lion sur la scène médiatique en « étouffant » les manifestations publiques de l’opposition. Quand il n’a pas, tout simplement, renforcé son emprise sur les médias publics.
La gestion de l’une des deux chaînes publiques de télévision (TPA 2) a ainsi été confiée en janvier – au grand dam de l’opposition – à une société contrôlée par deux des enfants du président dos Santos : son fils José Avelino Eduardo (« Zedú ») et sa fille, Welwitchia (« Tchizé »). Puis, en juillet, une interdiction d’émettre de six mois a frappé la radio de l’Unita (Rádio Despertar). Selon la nouvelle loi de 2006 sur les médias, la première radio d’opposition avait relevé sa capacité d’émission de 40 km autour de la capitale à 400 km. Oui, mais voilà : les décrets d’application de ladite loi n’avaient pas été ­publiésÂÂ

Contestation sociale

Constamment sur la défensive, sous-équipée et tributaire des subventions étatiques, l’Unita résiste difficilement à la pression du MPLA. Reste que le parti de Samakuva (qui, aux termes des accords de Lusaka de 1994, participe au gouvernement d’union et de réconciliation nationale, le Gurn, avec quatre ministres) peine également à incarner la contestation sociale qui se développe dans certains secteurs de la société, comme dans la toute jeune « société civile » ainsi que dans l’Église. S’il faut reconnaître à Samakuva le mérite d’avoir réussi à maintenir l’unité du mouvement, le consensuel député de Huambo, Abel Epalanga Chivukuvuku – qui a échoué lors des primaires de 2007 à la présidence du Coq noir -, aurait été vraisemblablement mieux placé pour renforcer l’audience de son parti.
Quant au reste de l’opposition, déjà faible numériquement, elle paraît plus divisée que jamais. Le Front national pour la libération de l’Angola (FNLA) s’est scindé en deux factions revendiquant chacune l’héritage de son leader historique Roberto Holden, mort en 2007. Le Parti de la rénovation sociale (PRS) s’est séparé en deux tendances rivales, de même que le Parti d’appui démocratique et de progrès d’Angola (Padepa). Finalement, la Cour constitutionnelle a tranché le 12 juillet en faveur de Ngola Kabangu (FNLA), d’Eduardo Kwangana (PRS) et de Silva Cardoso (Padepa), qui conduiront les listes de leurs partis aux législatives.
Confronté à une opposition dispersée et soumise à un régime de liberté très contrôlée, le MPLA ne devrait donc avoir aucun mal à remporter une majorité de sièges à l’Assemblée, voire – ce qu’il espère – les deux tiers, qui lui sont nécessaires pour réviser la Constitution et renforcer encore son pouvoir. Mais il n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise, notamment à Luanda où la contestation est la plus forte. À moins que des fraudes ou des violences massives – comme au Kenya ou au Zimbabwe – ne vident encore une fois l’expression populaire de tout son sens.

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