Hu Jintao

Président de la République populaire de Chine

Publié le 12 août 2008 Lecture : 5 minutes.

En attendant qu’un Jamaïcain du nom d’Asafa Powell ou d’Usain Bolt batte le record du monde du 100 mètres ou que l’Américain Michael Philips batte celui du nombre de médailles d’or décrochées en natation par son compatriote Mark Spitz en 1972, la vedette des jeux Olympiques de Pékin est le président Hu Jintao. Le phénomène des Jeux a pris une telle ampleur que « quoi qu’il advienne, comme l’écrit Le Figaro, rien ne sera plus tout à fait comme avant entre l’ex-empire du Milieu et le reste de l’humanité ». En invitant les vingt-cinq correspondants des médias étrangers le vendredi 1er août, à une semaine de l’ouverture des Jeux, pour un exercice dont il n’est pas coutumier, le numéro un chinois a montré que la « ligne » était en effet infléchie et a laissé entendre que son pays pouvait ne pas « se refermer dans un conservatisme défensif, une fois éteinte la flamme olympique », selon la formule du Parisien.
Le sujet de cette « conférence de presse » et la manière dont elle s’est déroulée sont significatifs de l’ambiguïté de la démocratisation du régime chinois et de la personnalité de Hu Jintao. Il ne s’agissait pas d’annoncer des négociations avec le dalaï-lama sur le Tibet ou de rassurer l’opinion sur les risques d’attentats. Risques pourtant réels : le lundi 4 août, seize policiers ou gardes-frontières ont été tués par les activistes ouïgours dans le Xinjiang, à 3 000 km au nord de Pékin. L’objectif était de sauver la mise face aux journalistes, donc l’image des Jeux et de la Chine. Quelques jours auparavant, ils avaient eu la mauvaise surprise de constater qu’un grand nombre de sites Internet leur étaient inaccessibles, même depuis le centre de presse. Amnesty International avait publié un communiqué accusant « les autorités d’utiliser les jeux Olympiques comme un prétexte visant à perpétuer et, dans certains cas, à intensifier les politiques et les pratiques en vigueur conduisant à de sérieuses violations des droits de l’homme ». Le Comité international olympique (CIO) et son président Jacques Rogge étaient fortement intervenus, rappelant les engagements pris précédemment.
Hu Jintao s’est contenté d’affirmer : « Politiser les Jeux ne favorisera pas la résolution des problèmes et ce serait une violation de l’esprit olympique. » Il a ajouté : « Nous continuerons à fournir des structures et des moyens pour que les journalistes étrangers puissent travailler. » Le lundi 4 août, les sites d’Amnesty International et de Wikipédia étaient ainsi redevenus accessibles en anglais et en chinois, mais pas ceux d’un grand nombre d’organisations de défense des droits de l’homme, ou ceux qui sont liés de près ou de loin au mouvement religieux Fa Lun Gong, interdit en 1999 et dont plus de huit mille membres ont été arrêtés depuis 2007.
Hu Jintao est le premier dirigeant chinois à n’avoir pas participé à la fondation de la République populaire, mais c’est un homme du sérail. Sa manière de jeter un peu de lest, mais pas trop, est typique. Il cultive non seulement la langue de bois mais aussi l’ambiguïté. On n’est même pas sûr, par exemple, de son lieu de naissance. Officiellement, il est originaire de Jiqi, petite ville de la province d’Anhui, dans le centre de la Chine. Pour d’autres, il est né à Taizhou, un foyer culturel de la province du Jiangsu. Le journal Da Gong Bao, de Hong Kong, le fait naître à Shanghai, fils d’un marchand de thé. Les trois versions semblent d’accord pour fixer sa date de naissance au 21 décembre 1942. Les divergences peuvent s’expliquer par le fait que lorsqu’il a été élu membre permanent du bureau politique du Parti communiste chinois, un agent a été envoyé à Taizhou pour faire disparaître tous les documents le concernant.
Hu Jintao est reçu à 17 ans à l’université Qinghua, où il obtient, à 21 ans, un diplôme d’ingénieur en hydroélectricité. C’est là qu’il rencontre sa future épouse, Liu Yongging, avec laquelle il aura deux enfants, un fils et une fille – qui fut étudiante aux États-Unis sous un pseudonyme. La Révolution culturelle l’oblige à faire un long séjour dans la province du Gansu, mais il s’en sort sans dommage. Il est nommé en 1985 gouverneur de la province du Guizhou. Il sera également chef du Parti communiste au Tibet, où il réprime brutalement, en 1989, un soulèvement des moines. Il remplace, au congrès de novembre 2002, Jiang Zemin, 76 ans, comme secrétaire général du Parti communiste chinois. Aucune surprise : Hu Jintao était déjà le poulain de Deng Xiaoping pour cette succession. En mars 2003, il devient le président de la République populaire de Chine.
Bien qu’il prétende fuir le mystère, on sait peu de chose sur Hu Jintao, sinon qu’il aime danser et jouer au tennis de table, un des sports nationaux des Chinois. Avant 2002, il n’avait accordé qu’une seule interview. Fuyant le culte de la personnalité à la Mao, et peut-être conscient de la nouvelle fracture sociale à la chinoise, il fréquente les humbles. Il a partagé la tente d’un berger mongol par une température glaciale, on l’a vu serrer la main à des mineurs et à des dockers, et même se déplacer à bicyclette. Fidèle au dogme de la croissance économique, il affiche quatre principes, rappelle Zheng Ruolin dans La Revue pour l’intelligence du monde : « Gouverner pour le peuple, développer le pays d’une manière scientifique, fonder une société harmonieuse et faciliter l’émergence pacifique de la Chine sur la scène internationale. »
Nul ne doute que Hu Jintao respectera la règle selon laquelle le secrétaire général du parti abandonne ses fonctions au bout de deux mandats. Le 17e congrès du parti, en novembre 2007, l’a reconduit sans surprise, mais il n’a pas départagé les deux favoris pour la succession : Li Keqiang, gouverneur de la province du Liaoning, et Xi Jimping, chef du parti à Shanghai et fils d’un dirigeant de l’époque de Mao. On peut supposer que Li Keqiang est le mieux placé des deux : c’est à lui que Hu Jintao a confié la supervision de la préparation des Jeux attribués à Pékin en 2001. Elle a manifestement émerveillé le monde entier.
Aideront-ils à la démocratisation de la Chine ? Réponse de Hein Verbruggen, président de la coordination des Jeux au sein du CIO, interviewé par Le Monde : « Ils ne vont pas changer la Chine, soyons modestes, mais ils vont accompagner le mouvement. Il faut mettre de la mauvaise volonté pour ne pas voir les changements dans la société chinoise. Les Jeux vont accélérer ce phénomène en cours. Ils font partie d’une stratégie à long terme du gouvernement pour ouvrir de plus en plus le pays. »

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