Éditeurs d’Afrique, unissez-vous !

Des maisons d’édition au nord et au sud du Sahara s’associent pour diffuser, à un prix unique préférentiel, la littérature africaine sur le continent. Et lancent la collection « Terres solidaires », avec le soutien de l’Alliance des éditeurs indépendants.

Publié le 12 août 2008 Lecture : 3 minutes.

De l’autre côté du regard, de la Sénégalo-Béninoise Ken Bugul, et Sozaboy, du Nigérian Ken Saro-Wiwa, publiés respectivement en 2003 par Le Serpent à plumes et en 1998 chez Actes Sud, viennent de faire l’objet d’une coédition panafricaine et inaugurent la collection « Terres soli­daires », destinée au marché africain. Une initiative de l’Alliance des éditeurs indépendants, une association française à but non lucratif qui rassemble 76 membres à travers le monde, dont 7 au Maghreb et 18 au sud du Sahara.
Quatre éditeurs (Éburnie à Abidjan, Ruisseaux d’Afrique à Cotonou, les Presses universitaires d’Afrique à Yaoundé et Barzah à Alger) se sont regroupés pour réaliser et imprimer en Algérie Sozaboy, et le vendre à un prix unique préférentiel équivalent à 3 000 F CFA (4,50 euros, contre plus de 22 euros en France) en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Cameroun et en Algérie. Les éditions dakaroises Khoudia se sont jointes aux premiers pour De l’autre côté du regard, qui est vendu 2 000 F CFA (3 euros au lieu de 16 euros).
Une initiative inspirée par le succès commercial de L’Ombre d’Imana. Paru initialement en 2000 chez Actes Sud, le roman de l’Ivoirienne Véronique Tadjo est sorti en 2006 pour l’équivalent de 1 500 F CFA (2,30 euros) en Tunisie, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Cameroun, au Gabon, au Burkina, au Sénégal et au Rwanda. Tiré à 5 100 exemplaires, ce livre a été épuisé en quelques mois au Bénin et en Côte d’Ivoire, où il a fait l’objet d’une réimpression.
Une véritable aubaine pour Véronique Tadjo, qui cherchait à faire connaître son oeuvre sur le continent. « Lorsqu’on m’a proposé cette coédition, j’ai été ravie car j’ai toujours voulu que mes livres soient diffusés en Afrique à un prix accessible. Cette opération a tellement bien marché qu’un éditeur ivoirien a pris le relais et réédité, à son compte, L’Ombre d’Imana. Il est très important pour nous, auteurs africains, de pouvoir être lus sur notre continent. »

Prière émouvante

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Créée en 2002, l’Alliance des éditeurs indépendants fonctionne avec un budget de 200 000 euros grâce à des mécènes privés, principalement la fondation suisse Charles-Léopold, l’américaine Ford et la néerlandaise Prins-Claus. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a également mis la main à la poche. Mais l’opération n’est pas gratuite pour les éditeurs africains. Elle leur coûte environ 1,20 euro par exemplaire.
« Nous ne faisons pas dans le caritatif, prévient Étienne Galliand, directeur de l’Alliance. Nous cherchons au contraire à aider les éditeurs à prendre des risques et faire des bénéfices. Trop souvent, quand il s’agit d’aider l’Afrique, les associations donnent des livres sans tenir compte des spécificités africaines. C’est généreux, mais ça n’apporte rien aux éditeurs. Au contraire. L’idée est de les aider à se développer, à construire des réseaux professionnels à travers le continent. La coédition permet une mise en commun des tâches éditoriales, la répartition des coûts et l’échange des compétences et des techniques. »
Autre volet de l’Alliance : le conseil juridique. « Peu d’auteurs africains savent qu’ils ne sont pas obligés de vendre tous leurs droits à leur éditeur français. Mais Actes Sud et le Serpent à plumes ont joué le jeu. Ils ont accepté de céder leurs droits à un prix préférentiel (1 500 euros) et se sont retirés des pays africains éditeurs pour ces trois livres. »
Sur dix romans pressentis pour lancer la collection « Terres ­solidaires », le comité de lecture, composé de professionnels du livre africains, n’a retenu que Sozaboy, chef-d’oeuvre du regretté Ken Saro-Wiwa (condamné à mort et exécuté en 1995 pour son activité militante en faveur de la communauté ogonie) sur les enfants-soldats. Et le bouleversant De l’autre côté du regard, dans lequel Ken Bugul tente de dire la douleur ineffable des choses perdues à travers le dialogue poétique entre une fille et sa mère disparue. « Sans doute, préface Alain Mabanckou, une des prières les plus émouvantes jamais écrites dans la littérature africaine. »

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