Sous le signe de la refondation

Le parti au pouvoir, qui rassemble désormais la plupart des formations de la mouvance présidentielle, a appelé Omar Bongo à se représenter en 2005. Modifiée, la Constitution l’autorise à briguer autant de mandats qu’il le souhaite.

Publié le 6 août 2003 Lecture : 5 minutes.

envoyé spécial Le vent souffle sur le Gabon. Un air de changement, qui balaye depuis quelque temps les scènes politique, économique et sociale du pays. Véritable bourrasque ou simple brise ? Difficile à dire pour l’instant. Une chose est sûre : une page est en train d’être tournée. Le modèle économique, qui repose sur la rente pétrolière depuis l’indépendance du pays, en 1960, ne tient plus la route. Première victime du ralentissement de l’activité, la population a de plus en plus de mal à cacher son exaspération. Ces derniers mois, le climat social s’est tendu, les grèves se sont multipliées dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Mais, après des mois et des mois de négociations, un accord devrait tout prochainement être conclu avec le Fonds monétaire international (FMI). De quoi entretenir l’espoir, pour le Gabon, de pouvoir à moyen terme stabiliser son cadre macroéconomique.
C’est maintenant au tour du modèle politique, construit depuis 1967 autour de la personnalité du président Omar Bongo, de chercher un nouvel élan. Signe de cette volonté, Bongo lui-même appelle de ses voeux depuis plusieurs mois la tenue d’un Forum national pour la refondation de l’État, afin de redéfinir les règles du jeu politique et constitutionnel. Pour l’heure, on en est toujours aux déclarations d’intention, et le fameux forum se fait attendre. Avant de se lancer dans ce vaste chantier à palabres, Bongo a préféré s’attaquer à la refondation de sa propre famille politique, le Parti démocratique gabonais (PDG). En ligne de mire : l’élection présidentielle de 2005. Fin juin-début juillet, le chef de l’État a d’ailleurs – est-ce un hasard ? – parcouru le pays au pas de course pour « rencontrer la population ». Les 19 et 20 juillet, 1 500 délégués se sont retrouvés à Libreville pour assister au VIIIe congrès du PDG.
Mais, si refondation il y eut, elle fut bien timide, pour ne pas dire décevante. À en croire certains documents préparatoires au congrès, les problèmes de fond allaient être abordés, comme la redistribution des revenus, la diversification de l’économie ou la politique de décentralisation dans le pays. Au final, la principale résolution prise par le parti fut de solliciter son président fondateur pour qu’il porte haut, à nouveau, les couleurs du PDG à l’occasion du prochain scrutin présidentiel… Ce VIIIe congrès aura permis à Omar Bongo de renforcer son rôle au sein du parti et de resserrer les rangs autour de sa personne. La plupart des microformations créées en 1990 par d’anciens pédégistes ont, en effet, les unes après les autres, réintégré le giron présidentiel. Tous les chefs de parti présents n’ont pas manqué de prêter allégeance, réitérant « leur indéfectible attachement aux idéaux du président fondateur du PDG », certains allant jusqu’à promettre de ne « jamais trahir la confiance du chef de l’État ». En réalisant l’union sacrée, le PDG n’a que plus de chances de répondre au souhait présidentiel. À savoir, constituer « une bonne machine électorale, un aiguillon privilégié et permanent de l’action gouvernementale ».
Quelques jours après cette reprise en main du parti, le Parlement révisait la Constitution gabonaise. Réunis en Congrès le 29 juillet, l’Assemblée nationale et le Sénat adoptaient à une écrasante majorité (183 voix pour, 5 contre) les modifications du Texte fondamental instaurant le scrutin à un seul tour pour toutes les élections, y compris la présidentielle, et autorisant le chef de l’État à briguer plus de deux mandats. L’article 9, en vigueur depuis 1997, stipulait jusqu’à présent que « le président de la République est élu pour sept ans au scrutin universel direct. Il est rééligible une fois ». Après révision, « il est rééligible ». Point.
En clair, Omar Bongo pourra dorénavant briguer autant de mandats qu’il le souhaite. L’opposition, dans un baroud d’honneur, avait bien tenté d’empêcher cette modification constitutionnelle. Le 28 juillet, les représentants de l’Union du peuple gabonais (UPG) introduisaient ainsi un référé devant le tribunal de Libreville pour obtenir le report de ce Congrès extraordinaire. Sans succès. Le président de l’UPG, Pierre Mamboungou, privé de tribune parlementaire après avoir boycotté les législatives de décembre 2001, fustige cette révision, « une manipulation destinée à pérenniser le régime actuel au pouvoir, Omar Bongo voulant rester président à vie ».
Pour justifier leur démarche, les artisans de ce petit « toilettage » avaient avancé plusieurs raisons. Le président de l’Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, qui a défendu la révision devant la Commission des lois, s’est notamment appuyé sur le coût « exorbitant » d’élections à deux tours, qui reviendraient à 15 milliards de F CFA (22,8 millions d’euros). Trop cher, en cette période de réduction des dépenses publiques. Selon l’argumentaire présenté aux députés de la commission, cette mesure aurait également pour finalité de « limiter les candidatures fantaisistes » et « éviter les alliances contre nature qui, en cas de deuxième tour, faussent le jeu démocratique et heurtent profondément les consciences ». Des hypothèses qui n’ont pas totalement convaincu… Dans son édition du 25 juillet, déjà, le journal Le Peuple titrait d’ailleurs : « Au secours, la démocratie à la dérive ! »
Diversement appréciée, on le voit, cette opération constitutionnelle ne risque pas de combler le fossé qui sépare aujourd’hui la classe politique de la population. Cette dernière, trop occupée à survivre pour sa grande majorité, n’avait déjà que faiblement participé aux dernières élections – le taux d’abstention s’est élevé à 60 % aux législatives de 2001. Comment les Gabonais se comporteront-ils pour la présidentielle de 2005, dont la campagne est, sinon lancée, fortement avancée dans sa préparation ? En tout cas, face à une opposition laminée, Omar Bongo a de nouveau toutes les cartes en main. Car, s’il n’a pas encore clairement annoncé sa candidature, personne, au Gabon, ne semble aujourd’hui douter qu’il se représentera. Et même si, pour de nombreux spécialistes, tout le jeu politique tourne actuellement autour de cette question non résolue, « l’après-Bongo » n’est toujours pas d’actualité. Faute de dauphin adoubé, et alors que le président paraît d’ores et déjà installé dans les starting-blocks, la question demeure taboue. Quoi qu’il en soit, Omar Bongo va devoir, dès les tout prochains mois, aidé de son gouvernement, s’atteler plus que jamais à extirper le pays de ses difficultés économiques. C’est, du moins, ce qu’attend de lui une large frange de la population.

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