Sassou mène la danse

Publié le 8 août 2003 Lecture : 5 minutes.

Brazzaville brille. Brazzaville retentit de milliers de décibels. Et Brazzaville s’amuse. La capitale congolaise s’est parée d’habits neufs pour accueillir, du 2 au 9 août, la 4e édition du Festival panafricain de la musique (Fespam, voir encadré). Des ballons aux couleurs du pays ornent les carrefours et les bâtiments administratifs. Les artères de la ville sont impeccablement nettoyées. Les routes ont été refaites, débarrassées des nids-de-poule. Les monuments, repeints. Les fontaines publiques ont recommencé à cracher leur précieux liquide. Les feux tricolores, remis à neuf, régulent une circulation dense due à l’arrivée de milliers de festivaliers. L’éclairage public fonctionne. Des poteaux électriques neufs ont remplacé les vieux sur certaines artères, ou poussé sur d’autres où il n’y en avait pas… Il en a coûté quelque 400 millions de F CFA pour donner à Brazzaville ce coup de jeune apprécié tant par ses habitants que par ses hôtes.

Maire depuis le 11 février dernier, Hughes Ngouelondélé n’entend pas s’arrêter là : « Ce n’est qu’un début. Je veux effacer de la capitale tous les stigmates des guerres destructrices connues par notre pays. Mon rêve est de redonner son rayonnement d’antan à l’ancienne capitale de la France libre dont le charme lui avait valu le surnom de « Brazza la Verte ». »
Mobilisée par le Fespam, la ville a presque oublié le premier anniversaire de l’investiture du président Denis Sassou Nguesso, le 14 août, et le quarante-troisième de l’indépendance, le 15 août. La brève visite, les 2 et 3 août, du chef de l’État centrafricain François Bozizé est passée inaperçue. Les Congolais ont davantage envie de profiter des grandes stars de la musique africaine que de dresser un premier bilan d’étape des douze engagements de « la Nouvelle Espérance », programme de gouvernement sur la base duquel Sassou Nguesso a été élu.

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Mais les problèmes ne devraient pas tarder à refaire surface dans un pays où ils ne manquent pas. Si le chantier de la reconstruction, estimé à 1 000 milliards de F CFA, est en marche, comme le prouve le nouveau visage de Brazzaville, il n’en est pas de même de beaucoup d’autres. Celui de la paix, bien avancé, est inachevé. Même si les armes se sont tues depuis l’accord de paix du 17 mars. Les rebelles Ninjas sont sortis des maquis du Pool (région de Brazzaville), tout comme leur mentor Frédéric Bitsangou, alias pasteur N’toumi, qui s’est d’abord installé à Vindza, puis, « sur instruction du Seigneur », à Loukouo, une localité voisine. Des tractations sont même en cours depuis plusieurs semaines pour qu’il rencontre le chef de l’État, et quitte l’arrière-pays pour s’installer dans la résidence qu’on lui aménage à Brazzaville.

Le problème du reclassement des soldats rebelles reste, toutefois, pendant. Même si trois mille d’entre eux ont obtenu des financements pour mener à bien des projets professionnels, sous l’impulsion du haut- commissariat à la Réinsertion des ex-combattants, et avec l’appui de la Banque mondiale et du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Le désoeuvrement des Ninjas sortis des maquis demeure une source de préoccupations pour le gouvernement. D’autant que toutes les armes n’ont pas encore été ramassées, et que l’on constate, ces dernières semaines, quelques braquages et une insécurité résiduelle dans la capitale.
Mais c’est surtout sur le front social que les attentes sont les plus pressantes. La rente pétrolière n’arrive toujours pas à venir à bout d’une pauvreté galopante touchant, selon certaines estimations, 70 % de la population.
Autre préoccupation constante du chef de l’État : le chômage des jeunes. Pour dégager des ressources capables de réduire la pauvreté et stimuler l’emploi, Denis Sassou Nguesso mise sur l’accession du pays, en 2004, à l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE). Le Congo a besoin de cette facilité. Il a aujourd’hui une ardoise de 5 milliards de dollars dont le service annuel absorbe 60 % de ses recettes budgétaires. En attendant, le pouvoir utilise au mieux ses fonds propres. Le 1er août, le chef de l’État a inauguré la station terrienne de télécommunications de Binkaroua, un investissement de 53 milliards de F CFA, qui permet d’étendre l’accès au réseau du téléphone et à Internet à l’ensemble du pays.

Les actions internes s’accompagnent d’initiatives à l’extérieur. Outre son implication remarquée dans le règlement de la crise consécutive au coup d’État à São Tomé e Príncipe, Brazzaville entend raffermir ses rapports avec l’Europe, grâce à une visite du président Sassou à Paris, prévue fin août, à l’initiative du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin.
Et promouvoir l’image du pays auprès des jeunes et des artistes africains au travers de manifestations comme le Fespam. Cet « exceptionnel rendez-vous biennal d’une culture africaine qui renvoie autant aux traditions tékés qu’aux rites bamilékés, aux griots mandingues qu’à l’héritage de Chaka Zoulou », dixit Denis Sassou Nguesso. n
envoyé spécial à BrazzavilleLa 4e édition du Fespam a réuni 97 groupes musicaux venus de 45 pays. Parmi les têtes d’affiche, le Sénégalais Youssou Ndour, le Camerounais Manu Dibango, le Congolais Koffi Olomidé, la Sud-Africaine Brenda Fassie, la Togolaise Afia Mala… Le budget du festival (3 milliards de F CFA, entièrement pris en charge par le Congo), a été augmenté de 1 milliard par le président Denis Sassou Nguesso à quelques jours du démarrage des festivités. L’événement a été couvert par 98 journalistes en provenance de tous les continents. La location des avions qui ont transporté artistes et journalistes a coûté 600 millions de F CFA. La communication et le marketing international précédant l’événement, 750 millions de F CFA.
Tous les concerts ont été filmés par 12 caméras et retransmis par CFI TV, une chaîne de télévision reçue dans 84 pays. Trois cents millions d’Africains ont pu ainsi suivre toutes les prestations des musiciens invités. Les concerts, qui ont lieu au stade Massembat-Debat, attirent en moyenne 22 000 spectateurs.
La section « régie, son et lumière » a été confiée à Ernest Coovi Adjovi, président et producteur exécutif des Kora, pour la bagatelle de 1 milliard de F CFA. L’équipe des Kora a déplacé d’Afrique du Sud 96 personnes, dont des ingénieurs son et lumière, et des cameramen. Pour monter la scène et les instruments de musique, Adjovi a amené d’Afrique du Sud 230 tonnes de matériel, sur un avion Iliouchine 76 qui a effectué six rotations entre Johannesburg et la capitale congolaise, pour tout transporter. Brazzaville n’a pas lésiné sur les moyens pour rester digne de son label de « capitale africaine de la musique ».

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