[Série] Égypte-Éthiopie : le barrage de la discorde
Depuis plus de dix ans, la question du Grand Barrage de la renaissance éthiopienne construit en amont du Nil Bleu empoisonne les relations entre Le Caire, Addis-Abeba et Khartoum. Au point que l’option militaire semble aujourd’hui plus que jamais sur la table.
En théorie, trouver une solution au conflit qui oppose l’Éthiopie à ses deux grands voisins situés en aval du bassin du Nil ne paraît pas insurmontable. Certes, la survie de l’Égypte est liée depuis des temps immémoriaux au flux des eaux du fleuve, certes, le Soudan se trouve dans une situation inconfortable, coincé entre le marteau éthiopien et l’enclume égyptienne. Alors que le ton monte à mesure qu’approche la date théorique de début du remplissage du barrage, Jeune Afrique s’est penché sur un dossier qui déstabilise la région depuis déjà dix ans, s’intéressant à la fois à la personnalité des leaders impliqués, aux enjeux du projet pour les pays du bassin du Nil, à la manière dont de nombreux acteurs extérieurs tentent de s’immiscer dans le conflit et à la façon dont l’Égypte comme l’Éthiopie ont fait de cette question un enjeu de survie nationale.
Intransigeance
Pourtant, pour monumental qu’il soit, le Grand Ethiopian Renaissance Dam (Gerd – « grand barrage de la Renaissance) n’a pas pour objet de priver les voisins de leur approvisionnement en eau. D’abord pensé pour assurer la production d’électricité nécessaire aux Éthiopiens et à leurs voisins, le barrage aura aussi la vertu de réguler le flux du Nil Bleu et d’éviter les inondations, notamment au Soudan. Il ne semble pas non plus illogique que l’Éthiopie, longtemps écartée de toutes les négociations internationales sur le partage des eaux du fleuve, prélève sa part, comme le font les huit autres pays baignés par le Nil.
Mais il est exact aussi que la phase de remplissage du colossal barrage va, pour un temps au moins, réduire le débit en aval. Ce que ni le Soudan ni l’Égypte ne veulent accepter, du moins pas sans négociations ni garanties.
À ces arguments rationnels vient s’opposer la personnalité des dirigeants des deux principaux pays concernés, Abdel Fattah al-Sissi et Abiy Ahmed. Chefs autoritaires obligés de faire la preuve de leur force pour se maintenir au pouvoir, tous les deux se sont enfermés dans une attitude intransigeante pour des raisons qui doivent, aussi, à la situation politique et sécuritaire de leur propre pays. Et c’est ce point qui inquiète et donne une certaine crédibilité aux menaces guerrières régulièrement brandies par les deux camps. Aucune des parties concernées n’aurait quoi que ce soit à gagner à une « guerre de l’eau » autour du barrage de la renaissance. Encore faut-il que la raison finisse par prévaloir.
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