Le temps de la rigueur

Pour éponger sa dette, l’État n’a d’autre choix que de diminuer ses dépenses, relancer les privatisations et diversifier la production.

Publié le 6 août 2003 Lecture : 4 minutes.

Gavé de pétrole depuis 1957, année de la découverte des premiers gisements, le Gabon est toujours aussi riche. Du moins statistiquement parlant. En 2001, le Produit intérieur brut (PIB) par habitant s’y élevait à 3 719 dollars, chiffre parmi les plus élevés du continent. Oui, mais voilà : le Gabon croule sous les dettes. D’après les estimations du ministère de l’Économie et des Finances, le service (les intérêts) de la dette extérieure représentait entre 35 % et 40 % des recettes budgétaires totales en 2002. « Un niveau insoutenable pour un pays comme le Gabon », estiment les experts. Comment, en effet, faire face à de tels remboursements quand, dans le même temps, l’État voit ses recettes baisser de 15 % et ses dépenses augmenter de 10 % ? Une situation qui, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), met en danger à moyen terme non seulement les finances publiques, mais également la capacité d’investissement du pays et la stabilité du secteur bancaire.
Deux solutions : réduire le train de vie de l’État et lancer, enfin, la diversification économique annoncée depuis tant d’années. Meilleur moyen d’y parvenir : s’appuyer sur le Fonds monétaire international (FMI). Boudées depuis dix-huit mois par l’institution de Bretton Woods pour non-respect des critères du programme signé en octobre 2000, les autorités gabonaises ont négocié durant des mois un accord triennal portant sur la définition d’un vaste programme d’ajustements structurels accompagné de facilités de crédit. Sa signature devrait être officialisée le 5 septembre prochain, une fois que le conseil d’administration du Fonds aura examiné la lettre d’intention que le gouvernement lui a fait parvenir le 10 juin dernier. Cet accord triennal (2003-2006) permettra au Gabon de renégocier, dès le 15 du mois, sa dette bilatérale avec le Club de Paris, estimée à plus de 2,5 milliards de dollars (la France détenait 47 % de cette créance à la fin 2002). « Le montant d’ajustements concédés devrait porter sur 135 millions de dollars, décaissés sur trois ans à la date de signature avec le Fonds, et en fonction de l’avancée des critères de réforme », précisent des personnes proches du dossier.
En renouvelant sa confiance au Gabon, le FMI semble prendre note des efforts déjà fournis pour assainir les finances de l’État. Deux hommes ont occupé le ministère de l’Économie et des Finances ces dernières années. Émile Doumba, banquier plus que politique, nommé en 1999, s’est escrimé, sans toujours y mettre les formes, à appliquer une politique budgétaire rigoureuse. Il s’est notamment attaché à honorer les échéances déterminées lors des accords passés avec le Club de Paris en 2000. Paul Toungui, un homme du sérail, lui a succédé en janvier 2002, retrouvant ainsi une charge qu’il avait assumée de 1990 à 1994. Plus discret, mais semble-t-il tout aussi efficace, il a réussi le tour de force de faire accepter par les agents de l’État la diminution de primes (prises sur les fonds communs distribués à chaque ministère) et autres avantages réservés à la fonction publique. Il est aujourd’hui en passe de réussir à relancer un processus de privatisations enlisé depuis plusieurs années (voir page 90).
Les deux ministres ont tour à tour augmenté les taxes sur certaines filières et amélioré les contrôles sur la chaîne des recettes en faisant procéder plus fréquemment à des audits dans les grandes entreprises publiques. Reste néanmoins à réexaminer la fiscalité appliquée au secteur forestier (voir page 100), mise en place dans le cadre de la loi de finances 2003, mais jugée « trop lourde et démobilisatrice pour les opérateurs » par les experts du FMI. Les revenus fiscaux devraient, selon le Trésor public, représenter 11,8 % du PIB en 2003, contre 10,4 % en 2000. L’État pourrait alors récupérer une trentaine de milliards de F CFA supplémentaires chaque année.
Cela ne suffira évidemment pas pour remédier au principal problème du Gabon. Dans sa lettre d’intention au FMI, le gouvernement soulignait que, « sans découvertes majeures, la production pétrolière pourrait se réduire de moitié » d’ici à cinq ans. Or le pays tire aujourd’hui 66 % de ses recettes budgétaires de la manne pétrolière. Les effets de cette diminution se font déjà sentir. L’OCDE prévoit une baisse des recettes comprise entre 60 milliards et 250 milliards de F CFA pour 2002 et 2003. Attendue depuis 2000, cette diminution avait pu être retardée grâce à la tendance à la hausse des cours mondiaux et grâce à l’exploitation de poches d’hydrocarbures. « Mais il vaut mieux éviter d’être optimiste quant à l’avenir de la production pétrolière du Gabon », reconnaît-on au ministère de l’Économie et des Finances. Et même en cas de découverte providentielle, il faut compter au moins sept ans avant de mettre en production un nouveau champ pétrolier.
Les équilibres macroéconomiques du Gabon ne pourront résister jusque-là sans une sérieuse thérapie. Déjà, la croissance s’en ressent. Si elle était encore de + 2 % en 2001, l’incertitude prévalant sur le secteur pétrolier fait varier les estimations entre – 0,2 % et + 1 % pour 2002, et entre 2 % et + 0,7 % pour 2003. Si croissance positive il y a, elle sera essentiellement due aux secteurs non pétroliers (mines, forêt, services marchands) en progression depuis plusieurs années (+ 2,3 % attendus en 2003) et qui permettent de compenser en partie le ralentissement des activités pétrolières (- 5,3 % dans le PIB en 2001).
L’heure est donc à la diversification. Certaines pistes sont déjà avancées dans le domaine de l’agro-industrie, de la transformation forestière, du tourisme ou encore des services. « Mais il n’existe pas de voie royale pour le Gabon, souligne un économiste, et aucune de ces activités ne pourra à terme remplacer le pétrole. » Dépourvu de ressources financières, l’État ne peut qu’inciter les privés, nationaux ou étrangers, à investir davantage – ils sont déjà très présents dans les filières pétrole, BTP, mines et télécoms. Il lui faut pour cela identifier les secteurs porteurs et poursuivre son entreprise d’assainissement du cadre économique. Et résoudre le problème du coût de la main-d’oeuvre et des services, beaucoup plus élevé que dans les autres pays d’Afrique centrale. Les privatisations devraient, à terme, refaçonner le paysage gabonais. Et permettre à l’État de se concentrer sur ses prérogatives régaliennes comme les services sociaux, en pleine déliquescence depuis dix ans.

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