Incorrigible Fujimori

Publié le 8 août 2003 Lecture : 2 minutes.

Cela fait plus d’un an qu’on en parle. Ce n’est pourtant que le 31 juillet dernier que le Pérou a officiellement adressé aux autorités nipponnes une demande d’extradition visant l’ancien président Alberto Fujimori. Réfugié au Japon depuis le mois de novembre 2000, celui-ci est accusé par la justice de son pays d’être l’« auteur intellectuel », ou le « coauteur », de deux massacres de civils, perpétrés au tout début de son mandat. Le premier, en 1991, à Barrios Altos, dans la banlieue de Lima (15 morts, dont un enfant de 8 ans) ; le second, en 1992, à l’université La Cantuta (10 morts).
La demande d’extradition, remise par l’ambassadeur du Pérou à Tokyo, Luis Macchiavello, à la ministre nipponne des Affaires étrangères, Yoriko Kahuagushi, est un volumineux document de 700 pages, dont la méticuleuse traduction en japonais serait à l’origine du retard pris dans la mise en route de la procédure. Il comprend, notamment, le témoignage d’anciens militaires qui mettent ouvertement en cause Fujimori, les massacres ayant eu lieu dans le cadre de la répression menée contre les rebelles de la guérilla du Sentier lumineux. Fujimori est en outre accusé d’avoir versé 15 millions de dollars de fonds publics à Vladimiro Montesinos, alors son plus proche conseiller, qui régnait sans partage sur les tentaculaires services d’espionnage péruviens. La liste des autres chefs d’accusation qui pèsent sur l’ancien président est longue : torture, homicide qualifié, enlèvement et séquestration, enrichissement illicite, complicité de corruption, détournement de fonds publics…
Pourtant, en dépit de la gravité de ces charges, l’absence de convention d’extradition entre les deux pays laisse toujours planer de sérieux doutes quant à la possibilité de voir Tokyo accéder à la requête péruvienne. Le gouvernement japonais, qui a refusé en mars de procéder à l’arrestation de Fujimori, comme le demandait officiellement Interpol, ne cesse en effet d’arguer, par la voix de Yasuo Fukuda, son porte-parole, que « les criminels en fuite ne peuvent être livrés à une autorité étrangère s’il s’agit de ressortissants japonais ».

Le ministre péruvien des Affaires étrangères, Alan Wagner, rappelle, pour sa part, que Fujimori est péruvien de naissance et qu’il n’a pris, en décembre 2000, la nationalité japonaise que pour échapper à la justice de son pays. Il fait valoir, en outre, que les délits dont il est fait état dans le document remis au gouvernement japonais constituent de graves atteintes aux droits de l’homme, et que le droit international fait obligation aux États d’extrader les auteurs de crimes contre l’humanité.
Sans attendre le dénouement de cet imbroglio politico-juridique, l’intéressé a déjà annoncé son intention de rentrer au Pérou et de se présenter à la prochaine élection présidentielle prévue en 2006. Le 28 juillet, jour de la fête nationale péruvienne, son agence de presse à Tokyo, Fuji Prensa, annonçait d’ailleurs la création d’un nouveau parti fujimoriste : « Sí, cumple ! » que l’on pourrait traduire par : « Oui, il fait ce qu’il promet ! »

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires