Génération « Peace & Love »

Publié le 6 août 2003 Lecture : 2 minutes.

La rumeur enflait depuis des semaines, relayée par les journaux, du très branché Rolling Stone au vénérable New York Times : quelques-unes des plus grandes stars du moment seraient là, les Santana, Ravi Shankar, Sly & the Family Stone, Jefferson Airplane… On a promis au public trois jours de bonheur, Three Days of Peace and Music, alors il est venu voir. Ce vendredi 15 août 1969, c’est une marée humaine qui déferle sur les champs de Béthel, bourgade perdue près de la petite ville de Woodstock, dans l’État de New York. Des embouteillages monstres paralysent le trafic dans toute la région.
Surfant sur la vague hippie et la contre-culture « Peace & Love » résumée par le film Easy Rider, sorti il y a peu, et par la comédie musicale Hair, qui triomphe à Broadway, les organisateurs espèrent attirer 50 000 personnes, au mieux. Eux-mêmes n’ont rien de hippie : John Roberts, 26 printemps, jeune homme de bonne famille, diplômé de l’université de Pennsylvanie ; Joel Rosenman, 24 ans, diplômé de Yale et guitariste à ses heures ; Artie Kornfeld, 25 ans, mais déjà vice-président de Capitol Records. Michael Lang, 25 ans, le plus dévergondé de la bande, est manager du groupe Train. Leur idée : faire de l’argent en organisant une « petite fête ». Objectif : créer leur propre studio d’enregistrement, qu’ils veulent implanter à Woodstock, « La Mecque » des artistes de l’époque. Bob Dylan y a acheté une ferme, The Band ou Janis Joplin vivent dans le coin. Et tout ce beau monde aimerait bien pouvoir disposer d’un studio.
La veille du jour « j », des dizaines de milliers de personnes occupent déjà le terrain. Et attendent. Le 15 août, Artie, Michael, John et Joel se rendent à l’évidence : il y aura dix fois plus de spectateurs que prévu, 400 000, un record. Débordés, ils font une annonce : « À partir de maintenant, l’entrée est gratuite ! » Le premier grand festival de l’histoire du rock peut commencer. Joan Baez, enceinte, interprète « The Ballad of Joe Hill », chanson militante qu’elle dédie à son mari, emprisonné pour avoir refusé de partir au Vietnam. Le ton est donné. Un orage éclate, le champ se transforme en patinoire de boue. Peu importe. Le 16, le soleil est de retour, mais pas pour longtemps. La prairie ressemble à un immense camp hippie. D’abord effrayée par cette jeunesse « dépravée », la population locale se prend d’affection pour ces filles vêtues comme des Indiennes et ces garçons aux cheveux longs. Finalement, ce ne sont pas qu’une bande de « sauvages ». Les riverains leur préparent même quelques sandwichs…
Sur les planches se succèdent The Who, The Band ou Canned Heat. Le 17, Joe Cooker livre une version désormais célèbre de « With a Little Help from my Friends ». Le lundi 18 août, à l’aube, Jimi Hendrix dégaine sa guitare et interprète, entre autres, « Star Spangled Banner », vision peu orthodoxe de l’hymne national américain, dénonciation de l’horreur de la guerre à coup d’aigus saturés et de vibratos évoquant les bombes et les cris qui déchirent le Vietnam. Les spectateurs, pacifistes invétérés pour la plupart, ovationnent celui qui est sans doute l’un de leurs principaux « brûle-drapeaux ».
La manifestation-culte se termine, la jeunesse flower power se sépare, dans le calme. Max Yasgur, l’homme qui avait prêté sa prairie, résume ce à quoi il vient d’assister : « Vous avez prouvé quelque chose au monde entier »

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