En passant par Monaco

Publié le 6 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Lors d’un récent déplacement dans le sud de la France, je décidai de faire un crochet par Monaco. Une expérience déroutante : le « Rocher », comme on l’appelle ici, est un état atypique aux frontières impalpables. En arrivant par la route, le visiteur n’y est pas tenu de présenter de passeport et, dans certaines rues, on ne sait plus si l’on est toujours dans la Principauté ou à nouveau en France.
De mes pérégrinations monégasques, j’ai retenu qu’il valait mieux avoir un sens de l’orientation hors du commun. Et cela, même si Monaco est, hormis le Vatican, le plus petit état au monde. Couvrant une superficie de 1,9 kilomètre carré, il s’étire sur à peine plus de 3 kilomètres de long et 500 mètres de large et abrite… quatre quartiers. Pas de quoi user ses souliers, peut-on penser. Erreur d’appréciation dont on prend vite conscience : les distances « à vol d’oiseau » n’y ont que peu de valeur, car Monaco se décline avant tout… en hauteur. Avec un enchevêtrement de routes suspendues et tortueuses, des trottoirs reliés entre eux par des ascenseurs publics, des immeubles sans grâce de trente étages se serrant les uns contre les autres, la Principauté semble étouffer dans son exiguïté – au point de devoir gagner, au fil des années, du terrain sur la mer Méditerranée. Plus de 25 % de sa surface sont ainsi constitués de terres artificielles sur lesquelles fleurissent des nouveaux bureaux, commerces et autres espaces à vocation professionnelle. Ainsi des 35 000 mètres carrés du très futuriste Forum Grimaldi, inauguré en 2000, ou de la nouvelle digue artificielle, longue de 350 mètres, qui a permis, en août 2002, d’agrandir les infrastructures portuaires de la Principauté.
Autre spécificité monégasque : les caméras de surveillance, omniprésentes. Monaco a une réputation de prestige et de sécurité à protéger. Notamment auprès d’une certaine « clientèle » étrangère : paradis fiscal – aux pratiques laxistes souvent décriées -, le pays accueille 80 % d’étrangers (sur une population totale de 32 000 habitants) dont le principal point commun est de disposer d’une fortune personnelle pour le moins consistante. Pour ces multimillionnaires venus acquérir un logement sous le soleil monégasque, ce paradis a toutefois un prix : l’achat d’un bien immobilier – permettant de justifier d’une résidence et ainsi de bénéficier d’une non-imposition sur leurs revenus – s’élève en moyenne à… 15 000 euros le mètre carré. La Principauté peut ainsi se vanter de proposer les appartements les plus coûteux au monde dont les prix moyens dépassent allègrement ceux de villes comme New York ou Londres. Pour gérer toutes ces fortunes venues d’ailleurs, le prince Rainier III – le « vétéran » des chefs d’état, au pouvoir depuis… 1949 ! – a tout prévu : avec une cinquantaine de banques, son minuscule état compte l’une des plus fortes concentrations d’établissements financiers au monde.
La Principauté, qui, par ailleurs, attire chaque année des centaines de milliers de touristes plus « ordinaires », sait entretenir le rêve : ses boutiques regorgent de vêtements et de voitures de luxe, ses trottoirs se couvrent souvent de marbre et ses allées n’hésitent parfois pas à s’affubler de noms de grands couturiers italiens ou français. Un « décor » d’opérette très aseptisé – et hollywoodien – que vient renforcer la présence d’une nature reconstituée qui, partout, donne au promeneur l’impression de déambuler dans un vaste jardin…
D’une route française qui surplombe la minuscule principauté méditerranéenne, je jette un dernier regard vers ce petit bout de terre hérissé de gratte-ciel. Et je ne peux m’empêcher de méditer sur cette invention humaine qui, ici comme ailleurs, a forgé tant de destins : je veux bien sûr parler des frontières…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires