Démentis et mensonges

Publié le 18 août 2003 Lecture : 3 minutes.

Ironie de l’Histoire… Sur le site Web de la Maison Blanche, le discours prononcé le 7 octobre 2002 par le président Bush, où il argumente en faveur de la guerre en Irak, est intitulé « Démentis et mensonges ». Qui dit mieux ?
Il ne fait plus guère de doute que l’administration Bush a menti pour entraîner les Américains dans la guerre. La question qui se pose est de savoir pourquoi tant de gens importants s’obstinent à nier l’évidence.

Concernant les mensonges : des fuites en provenance des professionnels du Renseignement, furieux du peu de cas qu’on a fait de leur travail, nous ont donné un tableau beaucoup plus complet de la manière dont l’Amérique a été amenée à faire la guerre. Grâce aux analyses de mon confrère Nicholas Kristof, à d’autres papiers du New York Times et du Washington Post, et à un article magistral de John Judis et Spencer Ackerman dans The New Republic, nous savons aujourd’hui que nos dirigeants, y compris Bush, ont cherché à donner une image de la menace irakienne qui n’était pas conforme aux informations fournies par les services de renseignements.
En particulier, il n’y a jamais eu la moindre preuve de liens entre Saddam Hussein et el-Qaïda. Et pourtant, l’administration a, à maintes reprises, laissé entendre le contraire. Les preuves supposées d’un programme nucléaire irakien actif ont été fortement contestées par les experts mêmes de l’administration. Et pourtant, nos dirigeants ont continué à les invoquer et à dénoncer la menace nucléaire irakienne. Et pourtant, l’establishment politique et médiatique continue de chercher des excuses aux efforts déployés par nos dirigeants pour tromper le Congrès et le public.
Par exemple, certains commentateurs proposent que l’on épargne Bush tant qu’il existe une interprétation de ses déclarations d’avant la guerre qui puisse être techniquement vraie. Mais de quoi parle-t-on ? Il ne s’agit pas d’une discussion sur un point de détail d’un contrat commercial. Il s’agit de la décision la plus grave que puisse prendre un pays. Si les discours de Bush ont donné aux Américains une impression erronée sur la justification de la guerre, une discussion de texte oiseuse montrant qu’il n’a pas dit littéralement ce qu’il semble avoir dit ne sert à rien. Au contraire, elle donne à penser qu’il savait que ses arguments ne résistaient pas à l’examen.
D’autres commentateurs laissent entendre que Bush peut avoir cru sincèrement, malgré l’absence de preuves, que Saddam collaborait avec Ben Laden et qu’il cherchait à fabriquer des armes nucléaires. En réalité, c’est peu probable : pourquoi Bush aurait-il été aussi évasif s’il n’avait pas été conscient qu’il en prenait à son aise avec la vérité ? De toute façon, il y a une faute quelque part. Si les hauts responsables de l’administration n’ont pas attiré l’attention de Bush sur les rapports des services de renseignements qui contredisaient son réquisitoire anti-irakien, ils n’ont pas fait leur travail. Et Bush devrait être le premier à leur demander leur démission.
Pourquoi y a-t-il tant de gens qui cherchent des excuses à Bush et à ses conseillers ?
La réponse est, en partie, bien entendu, la discipline de parti. Une différence importante entre le scandale actuel et le Watergate est qu’il est à peu près impossible, aujourd’hui, d’imaginer un sénateur républicain posant la question : « Que savait le président, et depuis quand savait-il ? »
Mais même des gens qui ne sont pas des républicains convaincus se refusent à admettre que l’administration a accumulé les mensonges à propos de la guerre en Irak, parce qu’ils ont peur des conséquences.
Supposez qu’un homme politique – ou un journaliste – admette dans son for intérieur que Bush a entraîné frauduleusement les États-Unis dans la guerre. Déclencher une guerre sous un faux prétexte est, à tout le moins, un abus de confiance. Si vous admettez à part vous que quelque chose de tel s’est produit, vous êtes normalement dans l’obligation de demander des comptes – et de le faire non seulement face à une machine politique puissante et impitoyable, mais aussi face à un pays qui n’est pas encore prêt à croire que ses dirigeants ont exploité le 11 septembre 2001 à des fins politiques. De quoi y regarder à deux fois.
Et pourtant, si nous ne trouvons personne pour prendre le risque – pour regarder la vérité en face et en tirer les conséquences -, qu’adviendra-t-il de la démocratie américaine ?

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