Olivier Roy : « Ce n’est pas la lecture du Coran qui pousse à la radicalité »

Lutte contre le radicalisme religieux, débat sur « l’islamogauchisme », politique identitaire… Les fractures de la société française sont nombreuses. Entretien avec le politologue Olivier Roy, spécialiste du jihadisme.

Le politologue français Olivier Roy. © Bruno Lévy/Divergence

Le politologue français Olivier Roy. © Bruno Lévy/Divergence

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Publié le 1 mai 2021 Lecture : 12 minutes.

Depuis son ouvrage Le djihad et la mort (éd. du Seuil, 2016), le politologue français Olivier Roy, professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), voit dans le terrorisme jihadiste une « islamisation de la radicalité ». Un concept à l’origine d’une querelle avec son compatriote Gilles Kepel, qui y voit pour sa part une radicalisation de l’islam. De chicane universitaire, la dispute s’est muée en débat politique. C’est un secret de polichinelle : la ligne Kepel semble l’emporter auprès d’Emmanuel Macron, et donc influencer les politiques publiques de lutte contre la radicalisation.

Pourtant, les résultats de l’État, peu convaincants en matière de prévention, le montrent bien : la violence jihadiste repose sur des facteurs multifactoriels. Sans dissocier l’islam du terrorisme islamiste, Olivier Roy nous invite à observer le phénomène dans son ensemble, du champ religieux au champ social, voire au champ de la psychiatrie. Selon lui, ignorer l’appétence nihiliste et mortifère des terroristes tout comme leur quête d’un « grand récit héroïque » entrave la compréhension du phénomène jihadiste et la lutte contre ce dernier. Entretien.

Jeune Afrique : En France, le 23 avril, une fonctionnaire de police a été tuée lors d’une attaque au couteau, à Rambouillet. Après l’enseignant Samuel Paty [décapité par un jeune tchétchène, le 16 octobre 2020], l’examen d’une loi sur le séparatisme, l’organisation des États généraux de la laïcité etc., quel tour peuvent prendre les événements à un an de la présidentielle ?

Olivier Roy : Les faits que vous citez entretiennent, bien sûr, un climat de tension. On se focalise sur les questions de terrorisme, d’islamisme et de séparatisme, alors que l’attaque de Rambouillet – comme tous les attentats qui ont eu lieu depuis 2016 – est l’œuvre d’un individu isolé, qui, pour commettre son acte, emploie des moyens de fortune (en général une arme blanche) et cherche à se faire tuer ensuite.

Cette hantise du terrorisme permet de faire passer des politiques qui n’ont – et n’auront – aucun effet sur ledit terrorisme, et pour cause : on mélange des choses qui n’ont presque rien en commun. Alors que les attentats sont de plus en plus souvent le fait d’un individu isolé, on on fait comme s’il y avait un mouvement de masse chez les musulmans.

D’un côté, une droite identitaire, de l’autre, un vide sidéral, car il n’y a plus de gauche »

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