Des affaires, des juges et des best-sellers

Publié le 6 août 2003 Lecture : 2 minutes.

De haut en bas de la hiérarchie judiciaire, du procureur général au juge de base, tout le monde écrit. Avec plus ou moins de veine, d’inspiration, de succès. Rares sont ceux qui touchent le pactole. Eva Joly est un cas à part. Il a fallu que, juge en disponibilité, elle prenne la plume pour que, tohu-bohu garanti grâce à l’odeur de soufre qui imprègne l’affaire Elf, son livre s’arrache. Aussi ne regrette-t-elle rien. Ni d’avoir pris ses distances avec la magistrature pour rejoindre sa Norvège natale, où elle conseille le gouvernement dans la lutte contre la corruption. Ni d’avoir, en plein procès Elf, provoqué l’ire des avocats, qui ont vu comme une intrusion la sortie de son livre Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?, relatant les coulisses de cette affaire d’État qu’elle a instruite pendant sept ans.

Coauteur de l’ouvrage polémique, le patron de la maison d’édition Les Arènes, Laurent Beccaria, aurait voulu faire un coup éditorial qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Certes, le livre dans lequel Eva Joly, 59 ans, raconte les menaces dont elle a été la cible a été suspendu par le président du tribunal de Paris, Jean-Claude Magendie. Trois semaines. Le temps que s’achèvent les plaidoiries de la défense des trente-sept prévenus de l’affaire Elf. Mais, dès la reprise de la commercialisation, la vente des 50 000 exemplaires distribués chez les libraires est repartie de plus belle.
Sans remonter à Tocqueville, Montesquieu ou même Montaigne, écrire est, dans la magistrature, une tradition ancienne. Tant que le genre littéraire se borne à la publication de Mémoires, de fictions inspirées de faits divers et de sommes universitaires, nul n’y trouve à redire. Président de la cour d’assises de Paris de 1975 à 1985, André Giresse fut le premier à ruer dans les brancards avec Seule la vérité blesse. Une charge contre les « mensonges de la police » et la « compromission des puissants » dans l’assassinat du prince de Broglie – une figure du giscardisme. Celle-ci lui coûta son honorariat.

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Au tournant des années 1990, déçu du socialisme, le juge du Mans Thierry Michel fait un tabac avec Bon appétit, Messieurs ! (Fixot), dans lequel il retrace avec les accents de Ruy Blas son dessaisissement dans l’affaire Urba. Les 25 000 à 30 000 exemplaires vendus lui rapportent plus de 30 500 euros, qu’il investit dans une maison.
Être magistrat ne garantit pas forcément le succès. Mais il suffit qu’un juge soit sous les feux de l’actualité pour que les éditeurs accourent. Plus un juge est exposé au danger, plus un éditeur est prêt à y mettre le prix. Juge d’instruction antiterroriste, Gilbert Thiel a empoché 20 000 euros à la signature du contrat pour son livre On ne réveille pas un juge qui dort » (Fayard). Son personnage de bourru sympathique qui ne mâche pas ses mots a fait un carton en librairie.

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