[Tribune] Covid-19 : ces six atouts qui ont protégé l’Afrique
Pourquoi l’Afrique a-t-elle mieux résisté que l’Europe au Covid-19 ? Plusieurs hypothèses semblent se confirmer. Mais attention, les maladies aussi savent s’adapter…
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Edmond Bertrand
Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine
Publié le 3 mai 2021 Lecture : 2 minutes.
De nombreux et sombres présages avaient fait craindre de lourdes hécatombes liées aux Covid-19 en Afrique, en raison de l’insuffisance des structures sanitaires. Or jusqu’ici, le continent a plutôt bien résisté. Le nombre de malades du coronavirus en Afrique représente 5 % des cas autour du globe alors que ce continent héberge 14 % de la population mondiale (1,2 milliard de personnes).
Le continent a enregistré 121 000 morts, un chiffre à peine supérieur à celui de la France, qui est environ 20 fois moins peuplée. Alors que le taux de mortalité le plus élevé a été observé en Afrique du nord, en Égypte, au Nigeria et en Afrique du Sud, la plupart des pays intertropicaux ont été relativement épargnés. Comment l’expliquer ? Six facteurs principaux sont mis en avant par les études scientifiques :
1. Le climat. La chaleur n’est en effet pas favorable à la viabilité des coronavirus. Et la vie en milieu ouvert est moins propice à la transmission du virus.
2. L’âge. Une étude réalisée dans 24 pays sur les quatre continents a montré que le taux de mortalité est significativement corrélé avec l’âge moyen de la population. Or il est de moins de 20 ans en Afrique subsaharienne, contre 43 ans en Europe.
Habitués aux épidémies, les Africains sont moins traumatisés par la pandémie que les Européens.
3. L’expérience. Le continent fait face à de nombreuses et fréquentes épidémies : fièvre jaune, choléra, méningite, peste, et depuis quelques années, fièvres hémorragiques de Lassa, Zika et Ebola, la plus meurtrière. Les Africains entretiennent donc des habitudes et des capacités de riposte, et sont donc moins traumatisés par la pandémie que les Européens.
4. Des traitements utiles. Les Africains sont également tous touchés à un moment ou à un autre par des affections très répandues comme le paludisme, la tuberculose et les parasitoses digestives. Dans leur lutte contre ces maux, ils ont recours à des médicaments qui peuvent se révéler utiles contre le Covid-19, comme la nivaquine, un antipaludique, ou l’ivermectine, employé contre l’onchocercose, qui dévaste de grandes régions.
5. De meilleures défenses immunitaires. Face à ces nombreuses maladies, les Africains développent des anticorps naturels. Les capacités de défense des individus sont largement sollicitées, entretenant une forme de vigilance immunitaire. En recherchant des anticorps contre tous les coronavirus humains connus dans des sangs collectés d’une part aux États-Unis et d’autre part en Tanzanie et en Zambie, une étude de 2021 a montré une réactivité croisée avec le Sars-Cov2 plus fréquente chez les Africains.
6. Une histoire de chromosomes ? Une hypothèse fait état de l’absence chez les Africains de certains fragments chromosomique hérités de nos ancêtres néandertaliens. Bien qu’incertaine, cette particularité entraînerait une diminution par trois du risque de développer des formes graves du Covid-19.
Si l’on peut se réjouir de cette relative protection contre le Covid-19, il faut espérer qu’elle ne sera pas démentie dans l’avenir à l’occasion de nouvelles vagues du Sars-Cov-2. Les anciens se méfiaient du « génie épidémique » des maladies, parfois déroutant et incompréhensible…
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