Danger imminent

Publié le 6 août 2003 Lecture : 5 minutes.

Peu de pays d’Afrique ont pu bénéficier, au cours de leur histoire récente, de circonstances aussi favorables à un redémarrage de leur économie que celles dont jouit actuellement le Cameroun. Et rarement autant de circonstances favorables au développement se sont trouvées réunies, au même moment, en un seul pays.
Il faut dire que c’est une véritable pluie de bonnes nouvelles qui s’est abattue sur le Cameroun depuis que celui-ci a été admis au sein du club des États bénéficiaires de l’initiative dite PPTE (en faveur des pays pauvres très endettés). Ainsi, le 13 mai dernier, les intérêts de la dette commerciale camerounaise (700 millions d’euros) ont été purement et simplement effacés par les créanciers privés. Quant au principal de cette dette, il est prévu qu’il soit racheté par le Cameroun lui-même à 14,5 % de sa valeur, grâce à des dons de la Banque mondiale, de la France et de la Norvège.

Quelques jours plus tôt, le 5 mai, la Banque mondiale, encore elle, avait annoncé sa décision de soutenir le développement socio-économique du Cameroun en débloquant 75 milliards de F CFA (plus de 114,3 millions d’euros), destinés essentiellement à un programme d’amélioration des conditions de vie des populations. En outre, l’approbation prochaine, par les institutions de Bretton Woods, de son programme de réduction de la pauvreté devrait permettre au pays de bénéficier d’un nouvel allègement de gramme de réduction de la pauvreté devrait permettre au pays de bénéficier d’un nouvel allègement de dette d’un montant de 1 400 milliards de F CFA (2,1 milliards d’euros) !
Comme on peut le voir, le Cameroun a la cote. Pourtant, il revient de loin. Il n’y a pas si longtemps, en effet, il figurait encore dans le peloton de tête des pays rongés par la corruption, et les institutions internationales avaient fait de la lutte contre ce fléau un préalable à l’octroi de nouveaux crédits. Aujourd’hui, force est de constater que son image s’est un peu améliorée. Le Comité de lutte contre la corruption, créé en juillet 1998 et présidé par le Premier ministre Peter Mafany Musonge, y est certainement pour quelque chose. Depuis ce jour, des cellules anticorruption ont été mises en place dans chaque département, des sanctions sont tombées. Des têtes aussi…
Nul doute que ces signaux contribuent au rétablissement de la confiance. Mais si les flux financiers convergent à nouveau vers Douala et Yaoundé, cela est dû, avant tout, à l’amélioration des perspectives économiques d’un pays qui a su traverser de longues périodes de vaches maigres sans jamais basculer, comme certains de ses voisins, dans la guerre civile ou l’instabilité. D’ailleurs, entre 2000 et 2001, les investissements directs étrangers (IDE) sont passés de 31 millions à 75 millions de dollars. Il est vrai que la réalisation de l’oléoduc Tchad-Cameroun, dont la mise en service est prévue dans les prochaines semaines, y a beaucoup contribué. Il n’en demeure pas moins que les investissements devraient se maintenir à un niveau élevé au cours des années à venir. Grâce notamment à la l’ouverture de nouveaux chantiers, à la modernisation du port de Douala, à l’exploitation d’un gigantesque gisement de nickel et de cobalt à Lomié, dans la province de l’Est, et aux nombreux projets de modernisation de la capitale économique, qui, soit dit en passant, en avait bien besoin.

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Après plus d’une décennie d’un inexorable processus de délabrement, on est bien obligé d’applaudir. Au vu d’une conjoncture aussi propice, il eût été désespérant que le pays ne cherche pas à se doter, enfin,érant que le pays ne cherche pas à se doter, enfin, d’un port digne de son intense activité économique et de son rayonnement sous-régional. Dût-il en passer par la réalisation de projets pharaoniques. Comme quoi il ne faut jamais désespérer du Cameroun. nLe Gabon se place au septième rang des pays les plus riches du continent en termes de Produit intérieur brut (PIB) par habitant. Il présente, en revanche, des indicateurs sociaux peu reluisants, équivalant à ceux de ses voisins d’Afrique centrale. Le Gabon se classe ainsi 118e sur 175 au palmarès du développement humain établi par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), publié au mois de juin dernier. Juste derrière la Mongolie, au PIB trois fois inférieur, et après des pays africains au PIB comparable, comme le Cap-Vert ou l’Algérie. Et ce fossé entre richesse et développement humain va en se creusant.

Au lendemain de l’indépendance, fort de sa rente pétrolière, l’État gabonais avait pourtant mis en place, en quelques années seulement, un cadre social permettant au pays d’afficher des indicateurs sociaux plutôt élevés au regard des autres pays du continent. Un modèle de réussite qui se fissurera au début des années 1990. Faute d’investissements publics, mais aussi à cause du manque de personnels formés et d’une mauvaise gestion des équipements existants, le système a fini par atteindre ses limites, les secteurs de la santé et de l’éducation ont commencé à se dégrader.

Ces cinq dernières années, l’état des finances publiques n’a pas permis de reprendre les choses en main. Résultat : les carences sont aujourd’hui criantes. Les médicaments font défaut, tout comme les équipements sanitaires en milieu rural. Moins de 20 % des enfants sont actuellement vaccinés, contre 70 % il y a dix ans. « Les soins médicaux sont de plus en plus inaccessibles à la population pour des raisons de coût », se lamentent certains responsables d’organisations non gouvernementales. La situation n’est pas meilleure en ce qui concerne l’éducation : classes surchargées, succession d’années blanches et leur corollaire d’échecs scolaires, etc. Le budget alloué à l’éducation est passé de 9 milliards de F CFA (13,7 millions d’euros) en 2002 à 3 milliards de F CFA en 2003. Seules les structures privées prolifèrent, tant dans l’enseignement que dans la santé, comblant, pour une frange de privilégiés, les insuffisances des pouvoirs publics.

Il y a donc urgence pour l’État à se réinvestir, et pas seulement financièrement. Les Gabonais s’enfoncent en effet chaque année un peu plus dans la pauvreté. La crise économique a accentué les inégalités dans la redistribution des revenus. Une bonne partie de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté. Depuis 1999 et les licenciements massifs dans les secteurs minier et pétrolier, le chômage n’a cessé de grimper. Selon le Pnud, il toucherait maintenant 20 % des Gabonais. La stabilité sociale, réussite revendiquée par le chef de l’État, finira-t-elle par voler en éclats ? Le vent de la contestation a fortement soufflé sur Libreville en mai-juin, entre les grèves des services de santé paralysant l’Hôpital central et les mouvements affectant l’université Omar-Bongo.

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Certes, la crise n’arrange rien. Sous la pression des institutions financières internationales, le Gabon va devoir appliquer un nouveau plan d’ajustement structurel. Généralement, ce sont les secteurs sociaux qui, en premier lieu, font les frais de la « chasse au gaspillage ». Au risque d’oublier que c’est du bien-être de la population qu’il s’agit et, plus important encore, de celui des générations futures. Car, contrairement à leurs aînées, elles ne pourront s’abriter derrière les plates-formes pétrolières pour grandir.

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