Comptes et mécomptes

Publié le 8 août 2003 Lecture : 2 minutes.

L’étau financier se resserre autour de Charles Taylor. Les comptes bancaires suisses de deux de ses proches – probablement des prête-noms – ont été gelés, le 23 juin, par les autorités helvétiques. Soit 1,3 million d’euros bloqués pour répondre à une demande d’entraide judiciaire présentée par le Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone : en contrepartie de son soutien aux rebelles sierra-léonais, entre 1996 et 2001, Taylor se serait fait remettre des diamants bruts avant de placer le produit de leur vente dans plusieurs pays.

La décision a évidemment de quoi réjouir l’ONG britannique Global Witness, qui affirme, depuis la fin mars 2003, « que les sommes détournées par le président Charles Taylor sont dissimulées dans des banques suisses ou burkinabè ». À Ouagadougou, précise Global Witness, dans un rapport intitulé The Usual Suspects : Liberia’s Weapons and Mercenaries in Côte d’Ivoire and Sierra Leone, « les fonds sont gardés dans deux banques […]. Les deux comptes ont été ouverts au nom de Jean-Paul Some » : le premier en 1987 et le second, sur lequel « Charles Taylor, recevait des fonds libyens pour sa rébellion », en 1990. « Moussa Cissé, du Groupe des sociétés d’exploitation forestière Mohammed (MGC), détaille encore Global Witness, retirait l’argent en espèces pour le président Taylor et émettait des chèques sur ce compte en son nom. Les fonds de la vente des diamants et du bois transitaient par lui. »

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En Suisse, poursuit le rapport, « un compte a été ouvert à Zurich en 1993 par Grace Minor », actuelle présidente du Sénat et égérie de Taylor depuis le début des années 1980. « L’argent qui venait de l’industrie forestière allait d’abord sur les comptes en Suisse et était ensuite transféré au Burkina. » Là encore, aucun chiffre précis. Tout juste sait-on qu’en 2002, 25 % des fonds en provenance d’Afrique et déposés dans les banques suisses étaient libériens. Monrovia y disposait ainsi de 3,8 milliards de dollars (placements faits par le gouvernement et fonds détournés). Une somme supérieure à celle placée par l’Afrique du Sud (2,4 milliards de dollars) ou le Nigeria (900 millions de dollars), selon les estimations de la Banque nationale suisse.

L’argent détourné provient essentiellement « de la vente de diamants et du bois ». Le président libérien est en effet actionnaire de toutes les entreprises opérant dans l’industrie forestière au Liberia. Les grumes, « souvent payées en espèces et en armes », auraient rapporté, en 2002, 152 millions de dollars de recettes d’exportation. Ainsi fonctionne le système Taylor. Exemple avec le discret Philip Kibbo, l’un des gestionnaires des affaires de Taylor depuis 1990, dont on souligne, depuis Londres, le caractère central. C’est par lui que transite une partie des revenus en espèces de l’Oriental Timber Company (OTC), la plus grande entreprise de bois du pays. L’OTC « paie Kibbo, qui par la suite paie l’ATU », la très brutale Unité antiterroriste du gouvernement libérien. Et Kibbo travaille sous l’autorité du riche homme d’affaires libanais Talal el-Ndine, « qui contrôle les comptes étrangers du président au Burkina et à Zurich ». Lui, figure en bonne place sur la liste des personnes interdites de déplacement par les Nations unies pour son rôle de bailleur de fonds du RUF sierra-léonais (le Front révolutionnaire uni). n

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