Au Cameroun, Covid-19 rime avec soupçons de détournement
Alors qu’une deuxième vague frappe le pays de plein fouet, le débat autour du coronavirus s’est déporté sur des soupçons de détournement des fonds consacrés à la riposte contre la pandémie. Ce qui parasite la vaccination de masse engagée le 12 avril.
Au Centre de prise en charge annexe n° 2 de l’hôpital central de Yaoundé (Orca), les concentrateurs d’oxygène tournent à plein régime. Depuis le démantèlement de l’hôpital de campagne qui avait été installé dans le stade militaire, cet établissement créé en avril 2020 et logé dans un ancien supermarché de la capitale camerounaise est devenu le principal lieu d’accueil des malades atteints du Covid-19.
Seconde vague
En cette fin du mois d’avril, les 23 lits que compte la salle de soins intensifs – où l’on trouve les patients sous assistance respiratoire – sont tous occupés. « Il en est ainsi depuis au moins huit semaines consécutives », révèle un responsable de l’établissement. Globalement, les trois quarts des 283 lits du centre accueillent des malades. Des statistiques qui tranchent avec celles d’il y a un an, quand le bâtiment était presque vide.
Le pays vient de passer le cap des 1 000 décès ce 30 avril
Les autorités sanitaires sont formelles, le Cameroun est bel et bien entré dans la seconde vague d’infections au Covid-19 depuis le début de février. Entre février et avril, le pays a enregistré 455 décès liés au Covid, et vient de passer, ce 30 avril, le cap des 1 000 décès depuis le début de la pandémie. Preuve de l’ampleur de cette nouvelle vague, le bilan des quatre premiers mois de l’année est presque équivalent à celui de 2020, qui s’était achevée avec 460 victimes. Le taux de létalité reste relativement faible (1,4 %), mais la courbe des contaminations (plus de 65 000 à ce jour), sans cesse croissante, laisse présager une multiplication des foyers.
Pour inverser la tendance, les autorités se sont engagées dans une opération de vaccination tous azimuts. Passé une période d’hésitation durant laquelle le plan d’administration du vaccin AstraZeneca avait été momentanément gelé, le processus a repris de plus belle. Le 12 avril, le ministre de la Santé donnait le coup d’envoi de la campagne en recevant lui-même l’une des 200 000 doses du vaccin Sinopharm offertes par la Chine. À ce stock est venue s’ajouter une livraison de 391 200 doses d’AstraZeneca, fournies dans le cadre de l’initiative Covax.
Objectif Covax : 1,6 million de doses
À terme et toujours par le biais de Covax, le Cameroun espère recevoir 1,6 million de doses. Ce qui devrait contribuer à réaliser son objectif d’atteindre une couverture vaccinale d’au moins 70 % pour les populations cibles : personnels de santé et personnes de plus de 18 ans présentant des comorbidités. Depuis le 28 avril, une campagne « intensive » de vaccination contre le Covid-19 a ainsi démarré à travers le pays. L’opération, qui comprend des « mini-campagnes » organisées dans chacun des 243 postes de vaccination, s’étendra jusqu’au 2 mai prochain.
La tâche s’annonce ardue. En deux semaines, seules 9 920 personnes se sont fait vacciner dans le pays. Et l’organisation d’une séance de vaccination publique des membres du gouvernement avec le Premier ministre, John Dion Ngute, à leur tête n’a pas suffi à faire décoller autant qu’espéré la communication autour de cette opération.
Les soupçons se sont répandus dans l’opinion
Il faut dire que le débat sur le coronavirus est, depuis plusieurs semaines, pris en otage par des soupçons de détournement qui planent sur les responsables chargés de la gestion des fonds alloués à cette crise. La création, début avril, d’une task force logée à la présidence de la République aux fins de prendre le relais d’une gestion jusque-là confiée au gouvernement a renforcé la défiance.
Et, bien que le gouvernement ait confié à la chambre des comptes de la Cour suprême un audit complet de la gestion desdits fonds, certains acteurs ne semblent toujours pas satisfaits. Dans une note rendue publique le 23 avril dernier, l’ONG Human Rights Watch interpellait ainsi le FMI sur la nécessité de conduire « une enquête indépendante », avant de procéder à un nouveau prêt dans le cadre des facilités de crédit rapide (FCR) mises en place pour soutenir les pays frappés par la crise.
Briser les codes
Au minimum, les acteurs de la société civile réclament que l’audit conduit par les autorités soit rendu public et non pas simplement transmis au ministère de la Justice pour l’ouverture d’une « enquête judiciaire » sur les auteurs et complices des cas de malversations, comme c’est le cas actuellement. « Si les audits et les enquêtes ne sont ni indépendants ni crédibles, le FMI risque de se laisser prendre au jeu qui consiste à simplement cocher des cases », a indiqué Sarah Saadoun, l’une des responsables de Human Rights Watch.
Le Cameroun, qui espère obtenir 250 milliards de F CFA supplémentaires après deux premiers financements d’une valeur cumulée de 225 milliards de F CFA, a visiblement la volonté de briser ses propres codes et de faire preuve de transparence. Reste à savoir si cela suffira à convaincre les bailleurs de fonds.
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