Côte d’Ivoire : la militante Pulchérie Gbalet libérée après huit mois de détention provisoire

Pulchérie Gbalet avait été arrêtée en août avec trois de ses collaborateurs, eux aussi libérés, après un appel à manifester pacifiquement contre un troisième mandat d’Alassane Ouattara.

La militante ivoirienne Pulchérie Gbalet © Facebook Pulchérie Gbalet

La militante ivoirienne Pulchérie Gbalet © Facebook Pulchérie Gbalet

FLORENCE-RICHARD_2024

Publié le 29 avril 2021 Lecture : 3 minutes.

Quand le gardien est venu l’extraire de sa cellule, mercredi 28 avril en début de soirée, en lui annonçant que le régisseur de la prison voulait lui parler, Pulchérie Gbalet l’a suivi sans se douter une seconde de l’issue de l’entrevue. Dans le bureau l’attendait le greffier de la 8e chambre d’instruction du parquet venu lui signifier sa remise en liberté conditionnelle. Méfiante et surprise, la militante n’y a d’abord pas cru. C’est seulement en apprenant que ses trois collaborateurs, Gédéon Junior Gbaou, Aimé César Kouakou N’Goran et Cyrille Djehi Bi, incarcérés comme elle depuis le mois d’août 2020, allaient également bénéficier de cette décision judiciaire qu’elle s’est rendue à l’évidence : elle allait quitter la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) dans la nuit. Sur une photo diffusée sur les réseaux sociaux, on les voit ensemble dehors, sourire aux lèvres et pouces levés.

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Pulchérie Gbalet, présidente d’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), association proche de l’opposition, avait été arrêtée dans la nuit du 15 au 16 août 2020, alors qu’elle se cachait dans un hôtel d’Abidjan après avoir appelé à une manifestation pacifique contre un troisième mandat d’Alassane Ouattara. Elle avait été conduite par des hommes encagoulés à Sebroko, l’ancienne base de l’Onuci (la mission des Nations unies) aujourd’hui occupée par plusieurs unités des forces de défense et de sécurité, puis transférée dans les locaux de la préfecture de police pour y être longuement interrogée avant d’être incarcérée.

Libération surprise

L’arrestation de cette ancienne syndicaliste, figure de la société civile ivoirienne, avait suscité un vif émoi dans le pays. Au fil de ses mois de détention, cette sociologue de formation est devenue une véritable icône de l’opposition et une égérie pour tous les militants ivoiriens qui s’estiment bâillonnés par le pouvoir. Sa photo, ainsi que des pétitions pour sa libération et de nombreux messages avec le hashtag #freepulchérie ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux pendant huit mois.

L’annonce de sa libération a été une surprise pour ses proches, mais aussi pour son avocat, Me Lambert Bene, qui avait formulé à plusieurs reprises des demandes de libération conditionnelle pour sa cliente. « La loi dit qu’elle pouvait à tout moment bénéficier d’une libération conditionnelle si le juge d’instruction estimait que le placement en détention n’était plus nécessaire pour la manifestation de la vérité. Mais pourquoi hier [mercredi] ? Je ne sais pas. Pourquoi dans la nuit ? Sans doute parce qu’elle est populaire. Systématiquement, quand nous avions une audience au palais de justice, il y avait des petites manifestations qui s’organisaient », explique-t-il.

Toujours poursuivie

Son assistante et trésorière de l’ACI, Nadège Konan, a pu la voir hier matin, chez elle : « Elle va bien, elle a bonne mine ». « J’étais sur Facebook quand j’ai vu la nouvelle. C’était une très grande surprise, j’ai réveillé tout le monde à la maison pour les prévenir que ma patronne avait été libérée», se réjouit-elle. Pulchérie Gbalet devrait donner une conférence de presse, vendredi 30 avril, pour remercier ses soutiens.

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Cette décision de libération conditionnelle – dont elle connaitra les modalités le 3 mai, après un passage dans le bureau d’un juge – , ne signifie pas la fin de l’instruction. Elle reste poursuivie pour trouble à l’ordre public, appel à l’insurrection, incitation à la révolte et destructions de biens publics et privés en attendant que le juge d’instruction décide de la suite à donner.

Cette libération, que le ministère de la Justice n’a pas souhaité commenter, intervient deux mois après la libération de plusieurs cadres du mouvement GPS de Guillaume Soro, eux aussi arrêtés en août. Dans un récent rapport, Amnesty International avait dénoncé les conditions de détention « déplorables » de « centaines de personnes » arrêtées « lors des épisodes de violence et des manifestations qui ont eu lieu l’an dernier dans le contexte électoral ». L’ONG soulignait « un recours excessif à la détention provisoire » et « la violation du droit à un procès équitable »

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