[Chronique] Au Sénégal, des passeurs face à la justice

Après la condamnation du père de Doudou Faye, un adolescent mort en mer, deux passeurs présumés ont été présentés devant les juges, au Sénégal. Un procès qui pourrait avoir valeur d’exemple.

 © Damien Glez

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Publié le 30 avril 2021 Lecture : 2 minutes.

Pour les migrants, c’est une double ou une triple peine. Leur voyage, déjà dramatique en soi, est passé sous silence car les observateurs sont globalement mal informés et parce que le Covid-19 domine la scène médiatique. Cette obsession des pays européens à l’égard de la pandémie en cours est légitime. Elle ne masque cependant pas le fait que l’on continue de mourir en Méditerranée. Ce 22 avril, encore cent trente corps ont retrouvés aux alentours d’un bateau pneumatique retourné, au large des côtes libyennes.

Pour justifier la mise à l’index de ces navigateurs improvisés, on nous sert des réflexions de cet acabit : « Ces migrants ont plus le courage de prendre la mer que celui de résoudre les crises dans leur propre pays » ou : « Les autorités d’origine devraient cesser de détourner le regard ».

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Rétines anesthésiées

Certes, la politique migratoire des Occidentaux a des fondements légitimes, et chaque clandestin à une histoire spécifique. Il est clair néanmoins que les migrants ne sont pas seulement victimes d’être nés dans une zone à risques. Ils le sont aussi de mirages européens, souvent sciemment fabriqués, puis, au cœur de leur périple, de malveillances criminelles. En novembre 2017, des images montrant des migrants vendus comme esclaves, en Libye, l’avaient démontré, au moment où la récurrence des naufrages finissait d’anesthésier la rétine des téléspectateurs blasés.

Quid du rôle des Africains qui poussent d’autres Africains découragés à abandonner leurs terres ? À la suite d’un fait divers particulièrement dramatique, la justice sénégalaise, un parent complice et de présumés passeurs assument leurs responsabilités.

Le condamné avait évoqué le rêve de son fils : devenir footballeur professionnel

Le fait divers, c’est le décès de Doudou Faye, un Sénégalais de 14 ans mort en mer, en novembre 2020, alors qu’il tentait de gagner les Canaries. Le 8 décembre suivant, le tribunal de Mbour, à 80 km au sud de Dakar, condamnait son père, Mamadou Lamine Faye, à deux ans de prison, dont un mois ferme, pour avoir financé la traversée fatale à hauteur de quelques centaines d’euros. À la barre, le condamné avait évoqué le rêve de son fils : devenir footballeur professionnel.

Au lendemain de cette condamnation aussi sévère qu’inédite, les juges ont continué à démêler l’écheveau des responsabilités. Le 27 avril dernier, deux passeurs présumés, Omar et Lamine Guèye, ont été entendus pendant plus d’une heure au même tribunal de Mbour, avant que l’audience ne soit renvoyée au 4 mai.

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Confusion d’identité ?

Suspectés de « trafic de migrants » et de « mise en danger de la vie d’autrui », les deux hommes nient en bloc tout lien avec le décès du footballeur en herbe. Un report d’audience permettra de déterminer s’il y a eu confusion d’identité. La procédure se doit d’être irréprochable, tant son issue sera historique pour toutes les victimes de la tragédie migratoire africaine. En 2020, près de 2 000 personnes seraient mortes sur la route maritime qui sépare les côtes de l’Afrique de l’Ouest de celles des Canaries.

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