L’oeuf du serpent

Publié le 11 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Blair, Bush, Berlusconi et Poutine, pour ne citer que les plus abhorrés par les islamistes, ont sans doute compris, alors qu’ils étaient retranchés dans leur citadelle de Gleneagles, que les véritables cibles des attentats de Londres, ce sont eux. Ce sont eux, aussi, qui en ont imposé, à leur insu, la date et le lieu : la police londonienne était en effet occupée à contenir les militants altermondialistes venus exprimer leur rejet de la mondialisation made in USA.
Mais la fermeté affichée par Blair et ses hôtes face au terrorisme ne jure-t-elle pas avec l’indulgence dont le Royaume-Uni a longtemps fait montre à l’égard des islamistes radicaux ? Dans les années 1990, alors que des voix s’élevaient au Maghreb et au Moyen-Orient pour leur demander de ne pas offrir asile aux dirigeants islamistes de la région, les autorités britanniques ont laissé se mettre en place ce qu’on appellera le Londonistan, sorte de sanctuaire pour prédicateurs extrémistes. Profitant de la « liberté de parole » si chère aux Britanniques, ceux-ci ont pu diffuser leur message et recruter de jeunes activistes. L’argent affluait des associations caritatives locales et moyen-orientales. Les candidats au djihad, qui recevaient une formation idéologique à Londres, mais aussi à Birmingham et Leicester, étaient envoyés en Afghanistan, où ils se familiarisaient avec les armes et les explosifs, ainsi qu’avec les moyens de télécommunication modernes.
Pourquoi les services britanniques n’ont-ils pas cherché à tuer le serpent djihadiste dans l’oeuf islamiste ? Parmi les nombreuses hypothèses, on en retiendra la plus communément admise : Londres a passé un gentlemen’s agreement avec les islamistes radicaux, aux termes duquel ces derniers conservaient leur liberté d’action et de mouvement, mais sous étroite surveillance. Grâce à cet accord tacite, les Britanniques avaient l’oeil sur leurs hôtes, tout en étant assurés d’être épargnés par le terrorisme islamiste.
Cela a duré jusqu’au 11 septembre 2001. Face à l’ampleur de la tragédie, Londres n’a pas tardé à s’aligner sur Washington dans sa guerre contre le terrorisme. Pour nettoyer les écuries d’Augias, le gouvernement britannique s’est lancé dans une chasse aux prédicateurs les plus virulents, tels Abou Hamza, actuellement en procès, Abou Qotada, en résidence surveillée, ou encore Omar Bakri et Abou Mossab al-Souri, tous deux en cavale. Londres a aussi fermé, en janvier 2003, la mosquée de Finsbury Park, où tout ce beau monde avait l’habitude de prêcher – et de recruter.
En engageant ses troupes aux côtés des Américains en Irak et en décidant, il y a quelques mois, d’extrader vers la France l’Algérien Rachid Ramda, soupçonné d’avoir financé les attentats de 1995 à Paris, la Perfide Albion a aggravé son cas aux yeux de l’internationale djihadiste. Au point qu’en février dernier l’ancien ministre de l’Intérieur David Blunkett a affirmé que la question n’était plus de savoir « si » un attentat aurait lieu sur le sol britannique, mais « quand ».
Pourquoi donc ces services, pourtant réputés pour leur efficacité, n’ont-ils pas réagi à temps pour éviter la tragédie ? En avaient-ils la capacité ? Et si la tumeur maligne de l’islamisme radical avait déjà métastasé ? En frappant au coeur la City, les poseurs de bombes ont apporté la preuve que la guerre contre le terrorisme ne se gagnerait pas en Afghanistan ou en Irak, devenu le nouveau terrain d’entraînement du terrorisme mondial.
La solution sera politique ou ne sera pas. Elle commencera – on ne le dira jamais assez – par un début de règlement du conflit au Proche-Orient, un retrait des armées étrangères d’Irak (ou une promesse allant dans ce sens) et l’arrêt des soutiens aux régimes arabes qui répriment leurs peuples et jettent leurs jeunes dans les bras des extrémistes.

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