Du carburant pour la croissance

Publié le 12 juillet 2005 Lecture : 4 minutes.

Mot anglais qui signifie « besoins », Needs désigne aussi, au Nigeria, la N a t i o n a l E c o n o m i c Empowerment and Development Strategy : la Stratégie nationale de maîtrise et de développement économiques. Obasanjo, qui ne rate jamais une occasion de plaisanter, aime rappeler le moment où cet acronyme lui a été proposé : « J’ai fait observer que cela risquait de se retourner contre nous, parce que les cyniques en profiteraient pour dire que la Needs d’Obasanjo n’a pas répondu aux besoins du Nigeria! Finalement, on l’a gardée, ne serait-ce que par défi. Bien nous en a pris : ses réformes commencent à porter leurs fruits. »
Mais quelle stratégie recouvre ce sigle, au juste ? Il s’agit d’engager la lutte contre la pauvreté en mettant en oeuvre un plan de développement économique et social. Et de réorienter les valeurs du Nigeria pour faire de l’économie de ce pays la plus forte d’Afrique, apte à jouer un rôle majeur dans la mondialisation.
Cette évolution marque une rupture avec la gabegie qui sévissait dans les années 1990 et l’absence de plan de développement qui faisait dire à Obasanjo : « Si vous ne réussissez pas à planifier, vous planifiez l’échec. » Needs est un programme de vastes réformes, tant sur le plan de l’économie que sur celui des mentalités et des méthodes d’administration. On retrouve, en matière économique et financière, les remèdes habituels du Fonds monétaire international (FMI). Mais les autorités insistent sur le fait qu’il s’agit d’une initiative du Nigeria, que ses auteurs ont sillonné le pays pendant trois ans pour se rendre compte sur place des besoins de la population, que la société civile et les organisations professionnelles ont été consultées.
La Needs repose sur quatre axes : réorienter les valeurs, réduire la pauvreté, créer de la richesse et générer des emplois. Le programme de réformes économiques comporte plusieurs volets : parvenir à la stabilité macroéconomique pour créer un environnement propice à la croissance et au développement en investissant lourdement dans les infrastructures comme l’énergie, le transport et l’eau ; ramener la dette à un niveau supportable ; lutter contre la corruption ; améliorer la transparence et la responsabilisation, surtout dans le secteur des hydrocarbures et des marchés publics ; améliorer la gouvernance et les institutions ; engager une réforme des dépenses du service public pour restaurer la discipline budgétaire à tous les niveaux du gouvernement, tout en professionnalisant le service public ; accélérer les réformes de privatisation et de libéralisation.
La Needs s’appuie sur une matrice avec des objectifs, des procédures, un calendrier et un système de suivi et d’évaluation régulière. Les principaux objectifs chiffrés pour la période 2004-2007 visent, tout d’abord, à porter le taux de croissance du PIB de 5 % à 7 %. Et à atteindre une croissance hors hydrocarbures de l’ordre de 7 % à 8 % jusqu’à 9,5 % en 2007, avec une progression de l’agriculture de l’ordre de 6 % par an pour parvenir à 3 milliards de dollars d’exportations de produits agricoles en 2007.
Pour réduire l’incidence de la pauvreté de 5 % par an, la Needs prévoit la création d’au moins 2 millions d’emplois chaque année. La réduction progressive de l’inflation est également une priorité : elle devra être ramenée en dessous de 10 %. Le déficit budgétaire devra être stabilisé à 3 % et les crédits bancaires au secteur privé devront s’accroître de 30 % par an. Dans le domaine éducatif, le taux d’alphabétisation, de 57 % en 2003, s’élèvera à 65 % en 2007. Sur cette même période, le taux de prévalence du VIH-sida devra passer de 6,1 % à 5 %, celui de la couverture vaccinale de 39 % à 65 %, et l’accès à une eau salubre de 64 % en 2003 à 70 % en 2007. Dans le même temps, 65 % de la population sera raccordée à un réseau d’assainissement d’ici à 2007, contre 53 % en 2003.
La Needs est donc devenue la feuille de route pour tous les responsables, des ministres fédéraux et des dirigeants des institutions publiques aux gouverneurs et membres des gouvernements des 36 États qui se sont dotés d’un State Economic Empowerment and Development Strategy (Seeds) adapté à leurs besoins spécifiques. À l’échelle fédérale, un Conseil national de la planification du développement sert de centre nerveux pour la mise en oeuvre de la Needs et consulte régulièrement les représentants du secteur privé. Une organisation indépendante, l’Independent Monitoring Committee, est chargée du suivi et de l’évaluation des programmes. Elle est composée de membres du gouvernement, de représentants du secteur privé, des médias et de la société civile. Une équipe de technocrates choisis par Obasanjo parmi l’élite du pays en constitue la locomotive pour sa mise en application sectorielle (voir pages 54-55).
Le coût de l’opération jusqu’en 2007 est évalué à 4,5 milliards de dollars, provenant en majorité de financements étrangers sous forme de dons, de prêts et de programmes d’assistance technique. L’image du Nigeria va s’améliorant à la faveur des réformes, et des investissements directs étrangers de l’ordre de 1,5 milliard de dollars sont prévus dans les secteurs manufacturiers, la construction, les mines et l’agriculture intensive. Parallèlement, le gouvernement devrait voir ses revenus augmenter en réduisant les pertes et le gaspillage, en vendant des actifs et en réformant la fiscalité.

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