Seyni Oumarou, trop discret ?

Considéré comme très proche de son prédécesseur, le nouveau Premier ministre ne fait pas l’unanimité. Portrait.

Publié le 11 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

De son prédécesseur et ami, il n’a ni la fougue ni la pugnacité. D’aucuns le trouvent plutôt « calme, pondéré, très conciliant ». La nomination, le 3 juin, de Seyni Oumarou au poste de Premier ministre n’est qu’une demi-surprise : elle est due à la fois à la chute inattendue de Hama Amadou, lâché par les siens après une motion de censure déposée par l’opposition, et à la préservation de l’équilibre régional au sommet de l’État. Mais le nouveau chef du gouvernement, à 57 ans bientôt, n’est pas un premier venu. Appartenant à l’ethnie djerma, il est originaire de Tillabéri (ouest) et dirige la section régionale du Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara, au pouvoir). Ce qui n’est pas rien : le gros des militants de cette formation vient de là. Et quand, conformément à la Constitution, la majorité parlementaire a proposé trois noms au chef de l’État, Mamadou Tandja, le parti avait déjà jeté son dévolu sur Seyni Oumarou, le plus petit dénominateur commun, à ses yeux. Un homme de transition, en quelque sorte.

Toujours en tenue nationale – boubou et bonnet sur la tête -, rarement en costume cravate, de petite taille, plutôt corpulent, le Premier ministre a été formé au Lycée national de Niamey, avant d’obtenir, en 1970, son baccalauréat technique au lycée de Maradi, dans sa région natale. Quatre ans plus tard, il décroche un diplôme d’études supérieures en gestion des entreprises à l’École supérieure de commerce de Lyon (France). Revenu au pays, Seyni Oumarou est recruté par Niger Afrique automobile en qualité de directeur adjoint. Puis, il intègre la Nigérienne d’électricité (Nigelec) comme directeur chargé des relations avec la clientèle. En 1985, il crée sa propre société, l’Entreprise nigérienne de transformation du papier (Enitrap). Seyni Oumarou fait ses premiers pas en politique en 1995 lorsque son ami Hama Amadou, alors Premier ministre, le nomme conseiller spécial. Entré au gouvernement en 1999, il se voit attribuer le portefeuille du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion du secteur privé. De 2004 à 2007, il est ministre d’État en charge de l’Équipement. Et tisse ainsi des liens très solides avec le monde des affaires. D’où la propension de certains de ses compatriotes à l’accuser de collusion avec les commerçants. C’est en 2005 que Seyni Oumarou fait une entrée remarquée sur la scène politique nationale. Cette année-là, le gouvernement affronte une crise sociale sérieuse consécutive à la loi de finances instituant une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 19 %, provoquant ainsi une flambée des prix. La société civile, réunie au sein du Collectif contre la vie chère, appelle à la grève générale et exige le retrait de la loi. Le pouvoir est sérieusement menacé. Les leaders du mouvement sont arrêtés. Hama Amadou sort alors un joker : Seyni Oumarou, chargé de négocier avec les grévistes. « Nous sommes partis directement de notre lieu de détention à la table des négociations, se souvient Moustapha Kadi, président de SOS Kandadji, association de défense des consommateurs et l’un des meneurs de la fronde. J’ai découvert en Seyni Oumarou un homme discret, calme, lucide. Il est resté très serein pendant les discussions. Chaque fois qu’on était au bord de la rupture, il faisait preuve de modération et de sagesse pour relancer le dialogue. Il a même pris parfois des décisions contraires aux instructions de Hama Amadou. » Un sens de la diplomatie qui finit par payer : Oumarou parvient à désamorcer la crise.

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Mais le nouveau chef du gouvernement ne fait pas pour autant l’unanimité. Certains le considèrent volontiers comme l’homme de main d’Hama Amadou. D’autres préfèrent plutôt parler d’« intérêts communs ». Autre handicap : son nom est cité dans l’affaire des détournements de fonds au ministère de l’Éducation de base, à l’origine du départ de l’ancien Premier ministre. Les députés de l’opposition attendent donc Seyni Oumarou au tournant et menacent de déposer une nouvelle motion de censure. Il lui faudra aussi, et c’est le plus difficile, s’émanciper de son ami, par ailleurs président du MNSD-Nassara, et savoir pousser ses propres pions. Mais le plus dur sera de pouvoir répondre aux besoins de ses compatriotes. Dans un pays comptant parmi les plus démunis de la planète, le défi est immense.

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