Covid-19 : pourquoi les Africains de France sont plus durement frappés

En France, les personnes d’origine africaine ont été plus touchées par le coronavirus que leurs concitoyens en 2020, selon les statistiques de l’Insee. Un triste bilan qui serait surtout lié à de moins bonnes conditions de vie…

Un patient touché par le Covid-19 à l’hôpital Bichat, en avril 2021 © AP Photo/Lewis Joly

Un patient touché par le Covid-19 à l’hôpital Bichat, en avril 2021 © AP Photo/Lewis Joly

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Publié le 5 mai 2021 Lecture : 4 minutes.

Les chiffres officiels publiés en avril par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sont logiquement venus confirmer ce qui semblait évident : en France – comme partout ailleurs dans le monde – la mortalité a connu une forte hausse en 2020, directement liée à la pandémie de Covid-19. Cette évidence étant énoncée, restait à étudier les chiffres, qui se révèlent éclairants.

Ce sont en tout 669 000 personnes qui sont décédées en France l’année dernière, toutes causes de décès confondues. Un chiffre en hausse conséquente : + 9 % exactement par rapport à 2019 (613 000 morts). Mais ce n’est qu’une moyenne et l’évolution a été très hétérogène selon les catégories de population. Ainsi, note l’Insee, si les décès de personnes nées en France ont progressé de 8 %, le chiffre monte à 17 % pour les personnes nées à l’étranger. Et plus précisément de 21 % pour les individus nés au Maghreb (40 100 décès) et de 36 % pour les natifs d’Afrique subsaharienne (7 400 décès).

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Facteurs génétiques ?

L’institut a aussi procédé à une analyse détaillée des périodes correspondant aux première et deuxième vagues de contamination observées dans le pays, soit entre mars et avril et entre septembre et décembre. Ce qui a permis de constater que si les personnes d’origine subsaharienne avaient été frappées très durement au printemps 2020 (+ 114 % de décès), plus encore que les personnes nées au Maghreb (+ 54 %), la tendance s’était inversée à l’automne, avec une hausse de 36 % pour les Maghrébins contre 29 % pour les Subsahariens.

Comment expliquer ces disparités ? Soulevée dès le début de la pandémie, la question de savoir si certaines populations seraient « génétiquement » plus exposées ou, au contraire, mieux protégées que d’autres face au virus reste, aujourd’hui encore, ouverte. « C’est une possibilité, mais nous ne le savons pas encore », se bornait à répondre le spécialiste camerounais du génome Christian Happi, professeur à Harvard, lorsque Jeune Afrique l’a interrogé sur les causes génétiques possibles du faible nombre de cas enregistré en Afrique.

La première vague a durement frappé l’Île-de-France, où réside 32 % des Maghrébins et 49 % des Subsahariens de France

Les statisticiens de l’Insee n’ayant ni la vocation ni les compétences nécessaires pour répondre à cette question, ils se sont concentrés sur les explications socio-économiques, qui s’avèrent déjà intéressantes. Ils notent ainsi que la première vague a frappé deux régions françaises en priorité : le Grand Est et l’Île-de-France. Or cette dernière abrite une forte proportion des personnes nées en Afrique et résidant en France : 32 % du total des Maghrébins, 49 % des Subsahariens. De même, la première vague a frappé plus durement les zones densément peuplées, où les populations d’origine africaine sont proportionnellement plus nombreuses.

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La poussée épidémique de l’automne, par contre, a touché en priorité les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Or cette dernière abrite une proportion relativement élevée de résidents nés au Maghreb : 16 %.

L’Insee a aussi observé que la mortalité des moins de 65 ans était notablement plus élevée chez les personnes nées à l’étranger que dans la moyenne de la population, et aussi que, chez les individus nés en Afrique, les hommes étaient très sensiblement plus touchés que les femmes, en particulier lors de la première vague.

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Logements plus petits, métiers plus exposés

Difficile d’aller plus loin dans les explications, les statisticiens le reconnaissent. Mais ils lancent des pistes : la taille des logements, les professions exercées, les moyens de transports utilisés ont sans doute une influence sur l’exposition au virus. Or beaucoup de chiffres montrent que les personnes nées en Afrique et résidant en France ont, en moyenne, des « conditions de vie moins favorables », vivant par exemple dans des logements plus petits. Certaines données n’existent pas, notamment parce que la France, comme beaucoup de pays, interdit la collecte de statistiques dites « ethniques ». On sait néanmoins qu’en moyenne, les logements en France comptent 1,8 pièce par occupant. Mais seulement 1,6 pour les personnes nées au Maghreb et 1,3 pour celles venues du sud du Sahara.

Les personnes originaires d’Afrique sont surreprésentés dans la santé, les transports, la livraison, les services de nettoyage…

De même, 49 % des Subsahariens et 28 % des Maghrébins utilisent les transports en commun pour aller travailler, contre 15 % pour l’ensemble de la population. Enfin, note l’Insee, les personnes originaires d’Afrique sont proportionnellement surreprésentées dans les secteurs d’activité considérés comme « clés » en période de pandémie, et donc là encore plus exposées : personnels de santé, postiers, forces de l’ordre, transports, commerce, livraison, nettoyage, etc.

Pas moins de 14 % des travailleurs nés au Maghreb et 15 % de ceux d’origine subsaharienne sont employés dans ces domaines, contre 12 % pour la moyenne des habitants du pays. De quoi mieux comprendre le lourd tribut payé par les « Africains de France » – quelle que soit aujourd’hui leur nationalité – à la pandémie.

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