Le dernier dinosaure

Ahmed Osman remplacé par Mustapha Mansouri à la tête du RNI, le parti qu’il créa sur ordre de Hassan II et présida près de trente ans durant.

Publié le 11 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Du 25 au 27 mai à Rabat, le 4e congrès national du Rassemblement national des indépendants (RNI), un parti membre de la coalition au pouvoir, a très favorablement impressionné le politologue Mustapha Sehimi. « C’est une petite révolution démocratique, explique-t-il. Pour la première fois, les militants d’un parti politique marocain ont choisi leur président au terme d’un scrutin véritablement ouvert et transparent. »
Jusqu’au dépouillement des derniers bulletins, très tard dans la soirée du 27 mai, personne ne savait sur quel candidat les huit cents membres du conseil national allaient porter leur choix. Le RNI a été fondé en 1978, sur ordre de Hassan II, par l’ancien Premier ministre Ahmed Osman. Le « patron » ayant annoncé, il y a plusieurs mois, son intention de passer la main, deux candidats étaient en lice.

Le premier se nomme Mustapha Oukacha. Président de la Chambre haute du Parlement, il fait figure, depuis des années, de numéro deux du parti. Populaire dans l’ouest et le sud du pays, il était soutenu par quatre des cinq ministres RNI du gouvernement Jettou.
Mustapha Mansouri, le second, est ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Comme son rival, il siège au bureau exécutif du parti. Originaire du Rif, il bénéficiait du soutien inconditionnel de la plupart des sections du Nord. Cinq jours avant le vote, il avait négocié le ralliement de Mohamed Aujjar, l’ancien ministre des Droits de l’homme, très critique à l’égard d’Osman.
Alors qu’au temps de Hassan II, le ministère de l’Intérieur contrôlait de près les moindres détails de la vie des partis dits « de l’administration » – au nombre desquels le RNI -, il s’est, cette fois, scrupuleusement tenu à l’écart. « Telle était la volonté du roi », explique l’un de ses proches collaborateurs. Mansouri l’a finalement emporté avec 53,94 % des voix, contre 43,06 % à son rival, qui a sportivement reconnu sa défaite. « Une page de l’histoire du parti est tournée », estime un militant, qui ne cache point les inquiétudes que lui inspire « l’après-Osman ».
Ancien directeur de cabinet de Hassan II, dont il fut le condisciple et le beau-frère, ancien Premier ministre et ancien président du Parlement, ce dernier fut, en novembre 1975, l’un des organisateurs de la Marche verte puis l’un des signataires des accords de Madrid, qui permirent au Maroc de prendre le contrôle d’une partie du Sahara occidental. À l’époque, son aura dans le pays était telle que l’opposition elle-même avait tendance à le ménager. « Osman est crédible, pas le RNI », disait par exemple le socialiste Fathallah Oualalou. Mais le temps a fait son uvre. « Dans le sillage de Mohammed VI, analyse un spécialiste, une nouvelle génération, celle des quadras, est arrivée aux affaires. Elle a vite ringardisé les dinosaures, dont Osman (77 ans) était l’un des plus éminents représentants. Les jeunes loups du RNI ont suivi le mouvement et l’ont poussé vers la sortie. »
Le RNI, qui, depuis les années 1990, se présente comme un parti centriste et affirme avoir rompu le cordon ombilical avec l’administration, a mieux résisté que son vieux leader. En 2002, lors des premières législatives de l’ère « M6 », il a déjoué les pronostics pessimistes et décroché 41 sièges (sur 325) à la Chambre des représentants (Chambre basse du Parlement). Soit presque autant que les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD), mais beaucoup moins que les socialistes de l’USFP et les nationalistes de l’Istiqlal. Avec 48 conseillers sur 270, il est en revanche la troisième formation de la seconde Chambre, dont il assure la présidence.

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Mansouri veut croire que le RNI améliorera sensiblement ses scores de 2002 lors des législatives du mois de septembre. Pour cela, il entend mettre en uvre au plus vite certaines décisions du congrès, comme l’instauration d’un quota de 15 % pour les femmes et les jeunes dans les instances dirigeantes du parti et la mise en place d’une direction plus collective.
Sera-t-il à la hauteur de la tâche ? Ceux qui le connaissent n’en doutent pas une seconde. « C’est un homme méthodique et bosseur, qui a réussi partout où il est passé », s’enthousiasme l’un de ses partisans. Militant du RNI depuis vingt-cinq ans, Mansouri (54 ans) a été élu successivement maire d’Al-Aroui, dans la province de Nador (Nord), député de cette région, puis président du groupe RNI à la Chambre des représentants (1993-1998). Docteur en économie, ayant ses entrées au palais, il se réclame d’un centralisme « moderniste » et se déclare allergique à l’islamisme. Nommé ministre, en 1998, dans le premier cabinet d’alternance du socialiste Abderrahmane Youssoufi, il changera plusieurs fois de portefeuille, mais ne quittera plus le gouvernement.

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