Bob Marley inspire-t-il toujours les artistes africains ?

Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, principaux disciples de l’icône rasta, sont les baobabs reggae qui cachent une forêt musicale qui a énormément évolué.

Les Guinéens célèbrent le 20e anniversaire de la mort de Bob Marley, le 11 mai 2001. © Chip HIRES/Gamma-Rapho via Getty

Les Guinéens célèbrent le 20e anniversaire de la mort de Bob Marley, le 11 mai 2001. © Chip HIRES/Gamma-Rapho via Getty

leo_pajon

Publié le 9 mai 2021 Lecture : 3 minutes.

Bob Marley lors d’un concert à Paris, le 4 juillet 1980. © Langevin/AP/SIPA
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Bob Marley, indétrônable icône du reggae

Le 11 mai 1981, à Miami, un cancer mal soigné emportait Bob Marley, à l’âge de 36 ans. Quarante années plus tard, alors que les étoiles de la musique ont tendance à disparaître aussi vite qu’apparues, l’icône du reggae demeure une référence dont on écoute les tubes avec nostalgie – même si les chanteurs se revendiquant de son héritage se font de plus en plus rares.

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Bob Marley inspire-t-il encore les artistes africains ? Si on regarde les hits qui passent en boucle sur Trace Africa, la question peut paraître incongrue. Le reggae n’y est quasiment plus présent, balayé par des genres urbains plus récents : hip-hop, afrobeats, coupé-décalé, RnB…

De la Côte d’Ivoire…

On peut bien citer les maîtres ivoiriens du domaine, mais on parlait déjà d’eux pour les 30 ans de la mort de l’icône rasta. Bien sûr, Alpha Blondy confie lui-même en entretien (en parlant de lui à la troisième personne) : « Alpha Blondy a pu faire son travail de chanteur parce que Bob Marley a existé. Bob Marley est un soleil, Alpha Blondy n’est qu’une petite étoile dans le ciel du reggae. »

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La star ivoirienne a repris certains titres à sa manière (comme « J’ai tué le commissaire », adaptation un peu paresseuse de « I shot the sheriff »). Il a été jusqu’à enregistrer avec les Wailers au studio originel Tuff Gong de Kinston, notamment le titre « Yitshak Rabin »… Un symbole pour celui qui a toujours clamé son amour pour le maître et son message d’espoir anti-raciste. Via sa radio Alpha Blondy FM, créée en 2015, le chanteur et ambassadeur de l’ONU continue de mettre en avant les ténors et les jeunes pousses du reggae.

Les musulmans pensent à Mahomet tous les jours, nous on pense à Bob Marley

L’autre grand pilier du reggae ivoirien, et ancien rival d’Alpha Blondy, est évidemment Tiken Jah Fakoly, longtemps auréolé par son exil. « Les musulmans pensent à Mahomet tous les jours, nous on pense à Bob Marley », expliquait-il dans un entretien au HuffPost. Il raconte que c’est un anglophone, venu du Ghana, qui lui a expliqué le message du Jamaïcain, dans lequel il s’est totalement retrouvé, se lançant dès lors dans une carrière de chanteur.

Il a repris plusieurs titres de son idole (« War », « Get up, stand up »…), sa manière d’être sur scène (les petits sauts à pieds joints qui contrastent avec sa carrure de géant), et sa mission : éveiller les consciences. Lui aussi a créé une radio, Radio libre Fakoly, aux couleurs sonores jamaïcaines.

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D’autres Ivoiriens reprennent l’héritage du grand Bob : Ismaël Isaac, Beta Simon, Serge Kassi, Kajeem… tous nés dans les années 1960.

…au Sénégal et à la Guinée

Hors de la Côte d’Ivoire, le reggae compte encore quelques résistants. Par exemple Meta Dia, au Sénégal, qui après un bref début rap a été conquis par le reggae lors d’un passage à New York. Il est toujours en tournée avec son groupe The Cornerstones et qui a pu collaborer avec Damian Marley, l’un des fils les plus talentueux de Bob Marley.

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Puppa Lëk Sèn, également originaire de Dakar, est passé lui aussi du rap (hardcore) à des influences plus reggae, revendiquant une inspiration de Marcus Garvey (militant considéré comme un prophète par les rastas) et Bob Marely, bien sûr. Son style, le « kanasou » est un mélange de reggae, de reggae dancehall et d’afro-beat.

Il faut aussi compter sur Mohamed Mouctar Soumah, alias Takana Zion. Le Guinéen va lâcher un nouvel album le 4 juin prochain, Human Supremacy. Sur le disque précédent, Good life, il invitait en featuring Bunny Wailer, membre fondateur des Wailers, mort le 2 mars dernier.

Reggae vieillissant

Cet alignement de noms démontre que le reggae est toujours vivant en Afrique… mais aussi vieillissant. En dix ans d’entretiens de musiciens issus du continent, on n’en a jamais rencontré un de moins de 30 ans citant spontanément Bob Marley ; à l’inverse d’un Fela, copié constamment par les chanteurs nigerians, et notamment Burna Boy. L’image cool et non-violente de l’icône rasta, moins adaptée à la période, y est sans doute pour beaucoup. C’est également une question de mode : le reggae roots a été supplanté jusqu’en Jamaïque par des genres plus musclés, du ragga au hip-hop.

Pour autant la culture reggae continue d’imprégner les sociétés africaines. D’abord parce que les albums de Marley étaient généralement écoutés par les parents des jeunes artistes d’aujourd’hui, même les plus inattendus : le rappeur hardcore d’origine congolaise Kalash Criminel a ainsi été bercé par les hits du chanteurs.

Ensuite parce que le mouvement rastafari propose une grille de lecture du monde suffisamment large pour rester valable aujourd’hui. Babylone pouvant être assimilé tour-à-tour à l’État africain corrompu, au capitalisme, ou à l’Occident prédateur. Il n’est à ce titre pas étonnant que le mouvement burkinabè du Balai citoyen ait été fondé par un rappeur (Smockey) et un chanteur reggae, Sams’K Le Jah.

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