Combien de temps encore ?

Publié le 11 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Alors petit enfant, je tenais à peine debout au moment de la guerre des Six Jours (juin 1967). Aujourd’hui, je regarde les photos en noir et blanc, le sourire radieux de Moshe Dayan devant le mur des Lamentations, les volutes de fumée noire au-dessus de Jérusalem conquise, future capitale « éternelle et indivisible » de Eretz Israel. C’était il y a quarante ans, l’homme n’avait pas encore marché sur la Lune. C’était un autre temps, presque un autre monde, celui de Lyndon Johnson et de Leonid Brejnev, celui de la Chine de Mao et de la Révolution culturelle, celui où l’Amérique faisait la guerre au Vietnam, pendant qu’un peu partout s’élevait le vent libertaire qui allait faire 1968
C’était il y a presque un demi-siècle, tant de choses ont changé, et pourtant ici, dans ce Moyen-Orient de larmes et de sang, la guerre et la douleur sont toujours la règle.
Pour les Palestiniens, on peut parler d’une tragédie historique. Dispersés ou colonisés, réduits sur leur propre terre à vivre dans des bantoustans sans continuité, emmurés dans des frontières-prisons, isolés les uns des autres La société palestinienne (7 millions de personnes, dont 3 millions de réfugiés) a explosé sous le poids de la misère et des divisions. Oslo n’est plus qu’un processus fantôme, pendant que les extrémistes recrutent à tour de bras dans l’enfer de Gaza et des camps du désespoir. Le rêve d’un État, d’une nation, s’évanouit chaque jour un peu plus, au point, comme l’a dit le chercheur français Jean-Francois Legrain, d’aboutir à une véritable « dépalestinisation »

Où se trouve aujourd’hui Israël, dont l’identité même s’est fondée lors de ce conflit éclair ? C’est un pays moderne, riche, près de 21 000 dollars par an et par habitant de revenu, dynamique, qui attire toujours une immigration ambitieuse et motivée. C’est une démocratie pour ses citoyens juifs. Mais pour le reste ? Quarante ans après, la minorité arabe israélienne demeure une sous-classe. Quarante ans après, la réponse israélienne au nationalisme palestinien a été la désincarnation de l’autre, l’occupation et la violence militaire. Quarante ans après, malgré sa formidable force militaire, Israël est menacé chaque jour, enfermé derrière un mur qui traverse la terre comme une immense cicatrice. Où se trouve la vision stratégique d’un État, qui, l’été dernier, s’est embourbé dans une guerre inutile, destructrice, au Liban ? Quant à la paix avec l’Égypte ou la Jordanie, c’est une paix froide, presque glaciale.
Quarante ans après, où se trouve Jérusalem, capitale indivisible et pourtant divisée, désertée par sa jeunesse, mangée par la pauvreté et les dogmes religieux, où la population diminue et où un jour proche, dans vingt ans approximativement, les Arabes seront aussi nombreux que les Juifs ?
Comment l’humanité peut-elle tolérer un tel non-sens depuis plus de quatre décennies ?
Les données d’un accord qui ferait l’histoire sont connues. Depuis la fin des années 1930, tout le monde sait qu’il faut partager la Palestine. Depuis Oslo, depuis Taba, depuis Clinton, Barak et Arafat, on connaît les frontières approximatives du partage, c’est-à-dire celles de 1967 avec des arrangements. Tout le monde sait qu’Israël devra évacuer la quasi-totalité de la Cisjordanie et partager Jérusalem. Tout le monde sait que les Palestiniens devront renoncer au rêve du retour et garantir la sécurité d’Israël comme État juif.
Tout le monde sait
Combien de temps encore, combien de morts et de souffrances, avant d’avoir le courage de la paix ?

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