Damso fait un retour fracassant avec « QALF Infinity »

Après un album précédent où s’esquissaient des images tendres, Damso revient avec « QALF Infinity », plus sombre, où il se livre avec sincérité sur ses pulsions, ses pensées indicibles et sa lassitude de la célébrité.

Damso lors de la 34e édition des Victoires de la Musique, à Paris, le 8 février 2019. © Stephane Allaman/Panoramic

Damso lors de la 34e édition des Victoires de la Musique, à Paris, le 8 février 2019. © Stephane Allaman/Panoramic

Publié le 14 mai 2021 Lecture : 4 minutes.

Le 28 avril, ils étaient 180 000 fans fébriles, branchés sur le compte Instagram de Damso, à 23 heures. Le rappeur belge d’origine congolaise avait annoncé la sortie de son nouvel album en live. Au programme : onze morceaux qui viendraient compléter l’album « QALF », pour une réédition baptisée « QALF Infinity ». La date n’avait pas été choisie au hasard : quatre ans auparavant, jour pour jour, sortait l’album « Ipséité », celui qui l’avait révélé au grand public.

Si le live Instagram a finalement été émaillé de nombreux problèmes techniques, n’ayant pas pu aller à son terme, l’accueil de l’album dans les charts a été plus que chaleureux. Quelques jours après sa sortie, « QALF Infinity » s’installe ainsi en tête du Top Albums avec plus de 27 000 ventes au compteur. Le morceau « Morose » réussit même l’exploit d’accumuler un million d’écoutes sur Spotify en 24 heures, le meilleur démarrage pour l’année 2021.

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Imaginaire gore

Avec ce nouvel album, Damso rappe et chante sur des compositions magistrales : l’ouverture « OG » à l’orchestration bluffante, « Vantablack » et ses changements de rythmiques obsédants. Il ose même des instruments rarement entendus dans ce genre de productions : de la harpe sur « Dose », et même un solo de saxophone jazzy sur la sublime coda de « Morose ».

https://www.youtube.com/watch?v=pjnCR2e-itU

Dans l’album précédent, certaines chansons donnaient une grande place aux sentiments amoureux. À 28 ans, William Kalubi, de son nom de naissance, se serait-il « ramolli », comme il le disait lui-même dans le single « 911 » ? « L’égalité entre homme et meuf, c’est le 69 », semble rétorquer aujourd’hui Damso dans « Vantablack ». On retrouve donc le rappeur avec « Drogue sous le couvercle, biatch sous la couverture »…

Rien d’étonnant à cela : depuis le début de sa carrière, Damso s’est fait connaître pour son imaginaire gore, ses visions violentes, et ses paroles crues, très crues. Les métaphores sexuelles sont pléthores. L’imagerie pornographique est omniprésente. « Son vagin ne m’fait plus rien, son derrière ne fait plus effet/Oh, je suis triste/J’ressens plus grand-chose quand tu m’suces la bite », se lamente-t-il dans « Chialer ».

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« Misère affective masculine »

Mais résumer Damso à des punchlines sexistes serait une erreur. Il se livre ici avec sincérité sur ses pulsions, ses pensées indicibles ou sa lassitude de la célébrité. Il a toujours écrit sur la face sombre du monde, et exploré avec ses mots les faiblesses et les vices de l’humanité : l’inceste, le suicide (« Amnésie » sur son premier album), et même la pédophilie, dans le morceau « Julien » (sur l’album Lithopédion). Ainsi, pour la philosophe Benjamine Weill, « derrière les clichés pornographiques, le rap de Damso dit la misère affective masculine ».

Ce n’est pas forcément bien compris par tout le monde… En 2017, il avait été choisi pour écrire l’hymne de l’équipe de football belge pour la Coupe du monde. Mais le natif de Kinshasa s’était vu écarté de cette collaboration quelques mois plus tard sous les critiques d’associations féministes, qui dénonçaient des textes « remplis de dégoût, de mépris et de violence verbale envers les femmes ».

Je ne suis vraiment pas misogyne. Je me suis même trouvé féministe sur certains points

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Une attaque proche de ce qu’avait subi Orelsan en 2009 à cause du titre « Sale pute », dans lequel il imaginait un homme saoul menaçant de violences son ex-compagne qui l’aurait trompé. Attaqué par le Front national, Ségolène Royal, et finalement poursuivi par l’organisation féministe « Ni Putes ni soumises », le rappeur de Caen avait été définitivement relaxé en 2016.

Misogyne ?

Damso s’est lui toujours défendu des accusations de misogynie dont il est la cible. Dans un entretien accordé au Parisien en 2018, il expliquait : « Je ne suis vraiment pas misogyne. Je me suis même trouvé féministe sur certains points. » « Quand je parle de femmes, ce sont mes histoires personnelles, jamais je ne fais de généralités […] Devrais-je mentir sur mes propres histoires pour être le gendre idéal ? Quand on dévoile une part de soi, certains en font une globalité. Si on ne connaît pas mon univers, on n’est pas légitime pour le juger », précisait-il.

Il confiait la même année à Libération : « J’ai acheté dix bouquins écrits par des femmes, sur le féminisme en général. » Tout en haut de la liste, on trouvait Le Deuxième Sexe, De Simone de Beauvoir. Mais aussi Beauté fatale, de Mona Chollet, King Kong théorie, de Virginie Despentes, Féminismes islamiques, un ouvrage collectif dirigé par la sociologue Zahra Ali, ou encore De la marge au centre, de Bell Hooks, une figure incontournable de l’afro-féminisme aux États-Unis.

Au final, est-ce que le sexisme existe dans le rap ? C’est une évidence. « Je vais rentrer au pays marier quatre grognasses qui m’obéissent », disait Booba avec la poésie qu’on lui connaît dans « Illégal ». Mais on ne peut pas résumer le rap à la misogynie, tout comme on ne doit pas oublier que d’autres genres de musique peuvent être sexistes. « J’ai envie de violer des femmes. De les forcer à m’admirer. Envie de boire toutes leurs larmes. Et de disparaître en fumée ». Un texte qui n’est pas de Booba, de Damso ou d’Orelsan… mais de Michel Sardou.

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