Abdoulaye Bio-Tchané

Directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI)

Publié le 11 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Annulations de dette, croissance soutenue et promesses des pays riches d’augmenter leur aide L’horizon s’éclaircit pour l’Afrique. Et si, finalement, les politiques macroéconomiques recommandées par le FMI commençaient à produire leurs effets ? C’est en tout cas la certitude affichée par le Béninois Abdoulaye Bio-Tchané, directeur Afrique de l’institution.
Jeune Afrique : Un audit interne du FMI estime que « l’impact social » de vos politiques est négligé. Il conclut aussi à une « ambiguïté » de votre rôle dans la lutte contre la pauvreté.
Abdoulaye Bio-Tchané : C’est plus nuancé que cela. Nous venons d’assister à cinq années consécutives de croissance, et l’audit reconnaît le rôle du FMI dans ces résultats. Il met en évidence, c’est vrai, un certain nombre d’insuffisances, mais nous avions tiré les mêmes conclusions il y a deux ans.
Notamment sur la nécessité d’évaluer l’impact social des politiques menées ?
Nous le faisons déjà. Au Gabon, par exemple, nous avons travaillé sur les conséquences de l’augmentation du prix à la pompe des carburants. Sur nos recommandations, des mesures sociales ciblées ont été prises. Même chose au Ghana et au Mali.
Une politique macroéconomique de stabilité n’est donc pas incompatible avec la lutte contre la pauvreté ?
Absolument. Prenez l’exemple du Zimbabwe, où l’inflation va peut-être atteindre 5 000 % d’ici à la fin de l’année. Qui en souffre ? Les populations les plus vulnérables ! Ce sont les déficits publics qui créent cette inflation. Pour autant, cette réalité ne doit pas conduire à un désengagement systématique de l’État. Sur ces questions, nous avons une position moins dogmatique. L’expérience du coton montre que ce ne sont pas les privatisations qui sont en cause, mais l’organisation de la filière. Les Africains doivent rationaliser ce secteur et améliorer leur productivité. Les subventions des pays riches ne suffisent pas à expliquer les difficultés.
La croissance a été de 5,5 % en 2006 et devrait atteindre 6,2 % en 2007, mais la flambée du baril y est pour beaucoup
Oui, mais nous avons déjà connu des hausses des cours similaires, et les pays producteurs n’avaient pas su en tirer parti. Cette fois, le Nigeria en a profité pour reconstituer ses réserves de change. Les pays gèrent mieux leurs recettes pétrolières. Quant aux importateurs, beaucoup ont encaissé le choc pétrolier et sont en croissance. Mais si l’on veut consolider cette tendance, il faut mettre le secteur privé au cur de la croissance.
Les pays riches ont promis de doubler, à 50 milliards de dollars, leur aide à l’Afrique d’ici à 2010. Peut-on y croire alors que l’APD a baissé en 2006 ?
Cet objectif est tenable et réaliste. Le Danemark, qui affecte déjà 0,8 % de son RNB à l’aide, a décidé de passer à 1 %.
Et sur les annulations de dette, on est encore loin du compte
L’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et celle pour l’allègement de la dette multilatérale (IADM) ont contribué à réduire les vulnérabilités liées à la dette et à dégager de nouvelles marges de manuvre. Dans les pays concernés, les dépenses sociales sont cinq fois plus importantes que le montant consacré au service de la dette. Les dépenses pour la lutte contre la pauvreté sont passées de 5,5 % à 9,5 % du PIB dans les pays qui ont atteint le point d’achèvement.
L’arrivée de nouveaux créanciers comme la Chine ne vous inquiète-t-elle pas ?
Les nouveaux créanciers, y compris les Chinois, sont les bienvenus. Les besoins en Afrique sont énormes. Nul ne sera de trop. Mais il faut aborder et discuter la soutenabilité de la dette. Il faut aussi développer la culture du crédit à des conditions et des termes qui permettent de rembourser.
Et les « fonds vautours » ?
Tous ceux qui ont prêté doivent participer à l’effort d’assainissement des finances des débiteurs. Pour le Congo-Brazzaville, nous proposons un cadre qui permet de voir quelles sont ses capacités de paiement. Des discussions ont déjà abouti avec le Club de Paris pour la dette publique et avec le Club de Londres pour la dette commerciale. J’espère que ces fonds trouveront une base d’accord avec Brazzaville.

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