Vers une sortie de crise

La mobilisation va-t-elle faiblir après la libération provisoire des dirigeants de la Coalition contre la vie chère et l’appel au dialogue des pouvoirs publics ?

Publié le 11 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Va-t-on vers un dénouement de la crise au Niger ? Après plusieurs semaines ponctuées de manifestations et de journées « Ville morte » (voir J.A.I. nos 2308 et 2307) pour dénoncer l’instauration d’une TVA de 19 % sur les produits de première nécessité (riz, huile, lait, sucre, farine), les cinq dirigeants de la Coalition contre la vie chère, arrêtés les 26 et 27 mars et accusés notamment de « complot contre la sûreté de l’État », ont été libérés le 7 avril. La veille, lors d’un message à la nation, le président Mamadou Tandja avait lancé un appel à la raison et au dialogue constructif. Il y avait urgence, car la situation sociale devenait potentiellement explosive. Du fait de la sécheresse, des mauvaises récoltes et des dégâts provoqués par les criquets, certaines régions traversent une grave crise alimentaire nécessitant la distribution d’au moins 67 000 tonnes de céréales. Principalement financé par des bailleurs internationaux, le coût de ce programme est évalué à 21 milliards de F CFA. À Niamey, les différents marchés de la ville sont approvisionnés mais les prix ont littéralement flambé faisant passer le sac de mil à 18 000 FCFA, dans un pays où le salaire minimum (SMIC) est seulement de 20 000 FCFA. Au Niger, 63 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour.
Dans ce contexte, la hausse de la TVA a mis le feu aux poudres et provoqué une colère populaire aux conséquences imprévisibles. Dans un premier temps, le pouvoir a opté pour l’épreuve de force. Pas de quoi toutefois intimider les manifestants ni infléchir la mobilisation sociale. À présent, l’heure est donc aux négociations avec la création d’un « comité de réflexion » chargé d’étudier la situation des finances publiques et le Premier ministre s’est lancé dans une campagne d’explication. Lors d’une rencontre avec des représentants de la société civile, des parlementaires de la majorité et de l’opposition, des responsables syndicaux et des commerçants, Hama Amadou a tenté de justifier sa politique par des engagements internationaux. « Les revendications sociales sont sans doute légitimes, mais elles ne doivent pas menacer l’intérêt du pays », a-t-il déclaré le 1er avril dernier.
En décembre 2004, le Niger a conclu avec le Fonds monétaire international (FMI) un programme « pour la croissance et contre la pauvreté ». Cet accord prévoit 65 milliards de F CFA d’aides extérieures au budget à condition que Niamey dégage 7 milliards de F CFA de recettes fiscales supplémentaires, sur un budget total de 450 milliards de F CFA. Alors que l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) recommande à ses huit pays membres une pression fiscale de l’ordre de 17 %, le Niger en affiche l’une des plus basses. Et disposerait donc de réelles marges de manoeuvre.
Outre la TVA, beaucoup évoquent en premier lieu la fiscalisation du secteur informel qui brasse des milliards de F CFA sans jamais rencontrer le moindre inspecteur des impôts. Ce secteur est évalué à 30 % du PIB selon l’UEMOA, mais pour un observateur de la vie politique nigérienne, « s’attaquer à l’économie informelle et donc à la corruption demande une volonté que le pouvoir n’a pas ». L’autre piste de réflexion concerne l’impôt foncier. « Il n’est pas optimisé », selon le leader du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), Mahamadou Issoufou, qui évalue à 10 milliards de F CFA le manque à gagner pour les caisses de l’État.
« On travaille sur ces questions », répond le ministre de l’Économie et des Finances, Ali Lamine Zeine, qui se déclare déterminé à « assainir les finances publiques et à donner au pays les conditions de son développement ». Pour cela, les priorités affichées sont la lutte contre la fraude et l’élargissement de l’assiette fiscale (seuls 15 % des Nigériens sont assujettis à l’impôt direct). Sur les taxes foncières, Ali Lamine Zeine précise que le recensement des bâtiments est terminé et que le gouvernement est à présent engagé dans la phase effective de fiscalisation.
Le ministre reconnaît toutefois « qu’il n’est pas facile de se débarrasser des mauvaises habitudes ». Pour l’heure, la hausse de la TVA a été la mesure la plus simple à mettre en place. Et, sans doute, la moins évidente à faire accepter par les populations.

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