Un homme, une méthode, des résultats…

Publié le 11 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

On peut ne pas trop l’aimer, mal le comprendre et, surtout, ne pas réussir à percer le mystère de l’homme secret, mais Thabo Mbeki impressionne. Le sommet de Pretoria n’a pas échappé à la règle, qui lui a permis de donner sa pleine mesure. Le médiateur de l’Union africaine a commencé par surprendre ses invités en ne leur annonçant pas l’emploi du temps de la réunion. Puis, il a ouvert la séance en demandant aux cinq chefs de délégation de le suivre dans une salle fermée, à laquelle les collaborateurs ivoiriens n’ont jamais eu accès. Il fallait assurer la liberté de parole et, pour Mbeki, être libre, c’est être seul, à l’abri des oreilles indiscrètes et des bavards dangereux. À l’issue de la première journée de débats, il obtient de ses hôtes qu’ils conservent le secret total sur l’évolution de leurs discussions. En échange, il leur consacrera trois jours entiers, chamboulant ainsi son propre emploi du temps et restant avec eux du début à la fin. « Il est prêt à se sacrifier pour ce qui le passionne », reconnaît un membre de son entourage… Et à faire travailler ses collaborateurs deux fois plus s’il le faut ! D’autant qu’il a fait de la résolution de la crise ivoirienne (au départ, enjeu diplomatique pour l’Afrique du Sud, qui commence son expansion économique dans la région) un défi personnel. Il a été un peu vexé par les propos de Jacques Chirac qui mettait en doute sa bonne compréhension de « l’âme ouest-africaine ». Mais si, pour lui, l’Afrique du Sud a le devoir d’aider les nations en péril sur le continent, c’est surtout parce qu’il défend avec acharnement la renaissance africaine et qu’il croit à une responsabilité collective pour sortir du sous-développement et des guerres.
Le reste de sa méthode est simple. Il laisse parler, écoute scrupuleusement, pose des questions, détend parfois l’atmosphère avec un brin d’humour et s’adresse aux hommes plutôt qu’à leurs fonctions. Aussi ne professe-t-il pas un respect pointilleux du protocole : lors de la conférence finale, il a d’abord donné la parole à Henri Konan Bédié, qui s’exprimait au nom du G7, avant de la laisser à Laurent Gbagbo. Mais ce qui frappe ses interlocuteurs, ce sont surtout son humilité et sa capacité de travail. « Chirac avait peut-être raison de mettre en doute ses connaissances, admet un délégué. Mais Mbeki a travaillé très dur pour comprendre la crise que traverse notre pays, et il faut reconnaître qu’il y est parvenu. » Insomniaque notoire et assoiffé de savoir, le président sud-africain a passé de nombreuses heures à lire et à se documenter. Au troisième jour de la médiation, il s’est dit prêt, en fin de journée, à poursuivre toute la nuit s’il le fallait.
Pour conclure le sommet, il a rappelé qu’il continuerait, dans les semaines et les mois à venir, à suivre de près l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire. Jusqu’à la tenue d’élections libres et justes. « D’ailleurs, je m’améliore en français, n’est-ce pas ? » a-t-il lancé (en anglais) à ses voisins, avant de leur souhaiter « bon voyage » dans la langue de Molière.

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