Le temps de la sueur et des larmes
Publié le 12 avril 2005 Lecture : 1 minute.
En cette circonstance, le roi a donné toute la mesure de sa capacité politique. Officiellement à Ifrane, officieusement à Casablanca, il s’est abstenu de paraître ou d’intervenir à aucun moment de la crise. Six jours après l’émeute, il présidait un Conseil des ministres et, dans la soirée du 29 mars, il s’adressait à la nation. Renonçant à la langue littéraire pour user de l’arabe dialectal et se faire comprendre de tous, Hassan II prononça un discours à la fois sobre et habile.
Flétrissant les violences commises et rappelant que « l’État ne peut se plier à la loi de la rue », le souverain n’en marqua pas moins son souci d’analyser les causes de ces journées tragiques. Aucune allusion à l’ingérence étrangère, aucune mise en cause des partis ou des organisations syndicales. Il est visible que, dans l’esprit du roi, l’important n’est pas d’arriver à identifier tel ou tel provocateur, mais d’affronter courageusement une conjoncture difficile. Reprenant l’exhortation pathétique de Churchill aux heures où l’Angleterre semblait désespérer de tout avenir, Hassan II a fait confiance à la maturité du peuple marocain. « Pas de prospérité à brève échéance », a-t-il dit, et ce que chacun retiendra de son discours, c’est que tous les Marocains doivent aborder ensemble un temps de communes épreuves : le temps de la sueur et des larmes. D’ailleurs, la référence à Churchill est aussi un sujet de spéculation symbolique : lorsqu’il jugea que le péril était trop grand pour un seul homme, Churchill, en 1940, prit soin d’associer au pouvoir ses adversaires travaillistes du major Attlee et les libéraux de sir Archibald Sinclair.
Dans son discours habile, Hassan II s’appuie sur cette formule churchillienne qui est, par excellence, celle de l’union nationale. Cette union, si souvent annoncée, suivra-t-elle cette fois le propos royal ou restera-t-elle à jamais une sorte d’aspiration stérile, un voeu détaché de toute réalité ?
