[Chronique] Emmerson Mnangagwa encore pire que Robert Mugabe ?
Alors que le vieillissant Robert Mugabe avait dû concéder quelques avancées démocratiques, son successeur bénéficie d’un amendement constitutionnel lui conférant un pouvoir quasi irrépressible.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 14 mai 2021 Lecture : 2 minutes.
Il en va souvent du militantisme démocratique africain comme du mythe de Sisyphe, ce personnage de la mythologie grecque condamné à pousser une lourde pierre au sommet d’une montagne… D’où la pierre finissait toujours par retomber.
En 2017, victimes d’une crise économique surréaliste, les citoyens zimbabwéens avaient soupiré d’aise en voyant Robert Mugabe lâcher le gouvernail de la République à l’âge de 93 ans. Mais au regard des trois dernières années et des récents changements du régime du « crocodile » Emmerson Mnangagwa, bras droit de l’ancien chef de l’État, la succession de ce dernier a fini par ressembler à l’évolution d’un Pokémon. L’actuel locataire du palais présidentiel n’est-il qu’un Mugabe plus musclé et plus nocif ?
Démocratie en trompe-l’œil
Le 4 mai dernier, à huis clos et en quelques heures, les membres du Parlement ont adopté des amendements constitutionnels par 65 voix contre 10. Parmi près d’une trentaine de modifications, un texte confère au président de la République la possibilité de nommer lui-même le vice-président et les principaux magistrats du pays, sans aucune consultation préalable.
Un pouvoir judiciaire et exécutif illimité
Comme s’il ne devait rester qu’un seul pouvoir non muselé, les organes de presse indépendants tels que le site News Day déplorent « un pouvoir judiciaire et exécutif illimité » et donc « un triste jour pour la démocratie ».
La concentration des manettes de gestion de la nation dans la même poigne s’inscrit censément dans le calendrier d’une démocratie en trompe-l’œil. Le prochain scrutin présidentiel doit se tenir dans un an et demi. Le régime envisage de couronner cette série d’amendements par une modification de l’âge minimum légal pour être éligible à la présidentielle.
Alors que la tendance est au rajeunissement de la population, un candidat pourrait être retoqué pour peu qu’il ait moins de 52 ans, et cela même si l’espérance de vie moyenne est de 61 ans dans le pays. Jusque-là, un quadragénaire pouvait briguer la magistrature suprême. Hasard ou pas, l’opposant Nelson Chamisa n’aura que 45 ans au moment du scrutin…
Un glorieux passé – au moins
Vent debout contre un pouvoir de plus en plus personnel, l’opposition et la société civile profitent d’un des derniers espaces de liberté zimbabwéens : ils relaient le hashtag #ResistDictatosrhip sur la Toile…
Robert Mugabe avait le parler croustillant et le langage fleuri
Il faut parier que les détours des restaurations autocratiques n’empêchent jamais le vent des libertés de souffler durablement. Sinon, le Zimbabwe pourrait s’approprier le proverbe dioula « Ka bɔ boo la ka taa don boda la », selon lequel il faut se garder de « quitter l’excrément pour se retrouver dans l’anus ».
Robert Mugabe, au moins, avait un glorieux passé de père de l’indépendance anticolonialiste. Robert Mugabe, au moins, avait le parler croustillant et le langage fleuri. Robert Mugabe, au moins, avait conduit son pays –même sous la contrainte– à une officielle stricte séparation des pouvoirs…
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