Face au terrorisme

Publié le 11 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Le 10 mars 2005, à l’occasion du sommet de Madrid sur la démocratie, le terrorisme et la sécurité, le président mauritanien Maaouiya Ould Taya a prononcé un discours largement improvisé, dont nous publions ici l’essentiel. Les interventions publiques, sur des sujets aussi sensibles, de celui qui dirige la Mauritanie depuis plus de vingt ans sont rares – raison de plus pour en prendre connaissance.

Quelle est la cause du terrorisme ? Il est impératif de poser ce problème avant de se demander quels sont les voies et moyens pour y faire face. La cause du terrorisme, c’est avant tout la frustration, la frustration de la majorité des habitants de cette planète. La mondialisation et en particulier le développement fulgurant des moyens de communication ont en quelque sorte rendu insupportables la pauvreté et l’ignorance en étalant au grand jour le terrible écart qui existe entre les pays riches et les pays pauvres. Ces pays pauvres où toute activité cesse à partir de 18 heures parce qu’il n’y a pas de lumière et où l’eau, qu’elle soit potable ou non, est une denrée rare et chère.
C’est dans cette frustration de base que plongent les racines de l’immigration clandestine, laquelle sert de vivier au terrorisme. Ces jeunes qui fuient leur pays le font parce qu’il n’y a chez eux ni eau, ni électricité, ni emploi, et que leurs diplômes ne servent à rien. Même si les terroristes prennent prétexte de l’interminable conflit du Proche-Orient pour justifier leurs actions, ce n’est pas de là, mais des frustrations engendrées par le choc de la mondialisation et son étalage médiatique que naît le terrorisme. Lorsque les inégalités sont sans cesse mises à nu par la magie des images télévisées, le choc est inévitable.
Comment faire face ? Il faut d’abord et bien sûr des opérations militaires, des actions des services de sécurité. À cet égard, même si la constitution d’un front uni des nations contre le terrorisme n’est qu’un objectif à long terme – ne nous faisons pas d’illusions -, il convient sans tarder de renforcer les échanges d’informations et la coordination entre les services chargés de lutter contre le terrorisme. La Mauritanie est déjà active dans ce domaine, en partenariat avec nombre de pays amis. Nous, pays en développement, ne disposons pas de toute la technologie adaptée ni du niveau de formation spécifique souhaité. Alors, que la communauté des pays riches nous aide en ce domaine, puisque notre sécurité commande la vôtre ! La moindre faille chez nous peut faire des dizaines de morts chez vous.
Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi des initiatives politiques et que la communauté internationale démontre qu’elle est aux côtés des pauvres vers plus de justice, de liberté et de tolérance. Prenons le cas de la démocratie. Tous les pays veulent être démocratiques. Eh bien ! il faut les aider dans cette voie, mais ne pas les bousculer. Chacun y va à son rythme. On ne peut pas, on ne doit pas, exiger d’eux qu’ils deviennent du jour au lendemain des États de droit alors même qu’ils ignorent ce qu’est le droit de vote et la confrontation d’idées. Prenons le cas de l’éducation. Là, il faut y aller franchement et ne pas hésiter à bousculer. L’analphabétisme, c’est le terreau du terrorisme, car les masses frustrées et ignorantes constituent des proies faciles pour les seigneurs de la guerre, les entrepreneurs du crime et les fanatiques. Aidez-nous à éradiquer l’analphabétisme : ce combat est essentiel. Notre monde est un village global, et il est insupportable qu’au sein du même village les uns fassent bombance pendant que les autres – les deux tiers – n’ont ni eau ni électricité.
À notre modeste niveau, voici ce que nous avons fait, en Mauritanie, pour lutter contre le terrorisme. Loin de tout tapage médiatique, nous avons défini trois axes fondamentaux et mis en route trois programmes qui, à notre sens, agissent sur les fondements mêmes du terrorisme. La lutte contre la pauvreté, tout d’abord : chaque progrès en ce domaine constitue un moins pour les terroristes. La lutte contre l’ignorance, ensuite : en deux ans, nous avons créé mille bibliothèques à travers tout le territoire. La promotion de la femme, enfin : plus les femmes prennent leur place et jouissent de leurs droits, plus l’intolérance et le fanatisme reculent. Le terrorisme, ne l’oublions pas, est une maladie dont il serait vain de ne traiter que les symptômes, mais qu’il faut attaquer à la racine. Une réponse sécuritaire n’a donc pas de sens si elle n’est pas accompagnée et prolongée par une réponse politique. J’invite chacun à y réfléchir.

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* Président de la République islamique de Mauritanie.

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