Du bon usage du dogme

Publié le 11 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Il est frappant que, dans le déferlement médiatique qui a accompagné la fin de Jean-Paul II, les présentateurs d’émission, dans un souci d’objectivité où se mêlait peut-être quelque mauvaise conscience, aient tenu avec un bel ensemble à équilibrer les portraits du « pape des jeunes » par l’objection déjà rituelle de son vivant : oui, mais le préservatif, mais la contraception, mais les bébés-éprouvette… On a même entendu un prêtre regretter que ce pape si novateur et progressiste dans sa politique et sa diplomatie ait été l’un des plus « conservateurs » de l’Église contemporaine sur le plan de la morale et des moeurs. Vous auriez pu, l’abbé, nous rappeler au contraire que l’Église de l’éternité ne peut être « moderne » parce qu’elle est intemporelle, ce qui explique qu’elle soit universelle. Que resterait-il de l’unité de son corps social et de la cohérence de ses dogmes si elle devait s’adapter, pays par pays et jour après jour, aux fluctuations de tendances passagères ?
Dans une autre émission, un expert en écrits et paroles de Jean-Paul II a mis au défi quiconque d’y trouver une condamnation du préservatif. Le pape n’a cessé, en revanche, de prôner la préservation par l’éloge de la fidélité. Pour des raisons, certes, de moralité qui n’appartiennent en propre qu’à l’Église – dont l’éthique, si elle rejoint souvent les codes laïques, les dépasse par des exigences spirituelles -, mais aussi parce que le pontife souverain s’estime le protecteur responsable de la première société mondialisée de la planète. Il sait tout ce qui s’y passe grâce aux réseaux de ses évêques et de ses clercs. Ce n’est donc pas un hasard si Jean-Paul II avait choisi un voyage en Ouganda pour mettre en garde contre les risques du préservatif, cette solution de riches dont on oublie en Occident qu’elle est presque un luxe pour les pauvres du Tiers Monde. On lui avait rapporté qu’il était fréquent que le même latex serve à plusieurs couples et devienne ainsi un vecteur de contamination. Rappelons enfin que l’Église de Marie-Madeleine, lorsqu’elle blâme les comportements, ne condamne jamais les personnes.
Remémorons-nous maintenant les images de ces foules de jeunes que les stades ne suffisaient pas à contenir. Imaginons l’inimaginable : que Jean-Paul II ait lancé du haut de sa tribune ou de son autel : « N’ayez plus peur, je vous annonce une grande nouvelle, l’Église renonce à la prétention de s’immiscer dans l’intimité de vos vies. » Après ce reniement, auraient-elles été, ces foules, de plus en plus nombreuses aux rendez-vous qu’il leur donnait d’un pays à l’autre sur les chemins du monde et jusqu’aux dernières nuits de prière, place Saint-Pierre ? Sa popularité allait grandissant parce qu’elle reposait sur un charisme d’une autre essence que la quête du succès. À notre époque de tous les oui curieux, indifférents ou lâches, il a réhabilité le non, comme l’analyse Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur. Les sondages peuvent bien montrer que la majorité des jeunes ont écouté ses paroles sans suivre ses préceptes, la réponse, là encore, est de longue date connue : « Si le grain ne meurt… »

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