Abattage industriel

Publié le 12 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Le chiffre, tiré du rapport 2004 d’Amnesty International sur la peine de mort, est effrayant : la Chine a procédé à au moins 3 400 exécutions capitales l’an passé. Un chiffre sans doute sous-évalué : d’après certaines sources, le nombre réel des exécutions approcherait en réalité les 10 000. D’après le décompte d’Amnesty, un minimum de 3 797 personnes auraient été exécutées l’an dernier dans vingt-cinq pays. Le deuxième total le plus élevé de ces vingt-cinq dernières années, après celui de 1996 (4 272 exécutions).

Doit-on en conclure que la peine de mort à le vent en poupe ? Pas vraiment, car la cause de l’abolition progresse. Près de cent vingt pays ont supprimé, dans les textes ou en pratique, la peine capitale, dont un bon nombre en Afrique, le dernier en date étant le Sénégal, qui n’avait procédé, il est vrai, qu’à deux exécutions dans son histoire, celle de Moustapha Lô, en 1965, pour une tentative d’assassinat sur la personne du président Senghor, et celle, en 1967, d’Abdou Ndaffa Faye, le meurtrier de Demba Diop, le maire de Mbour.
Quatre pays, la Chine (3 400), l’Iran (159), le Vietnam (65) et les États-Unis (59) sont à l’origine de 97 % des mises à mort recensées l’an passé par Amnesty. Malgré les moratoires décidés dans certains États américains, comme l’Illinois, le nombre des exécutions reste pratiquement inchangé d’une année à l’autre (65 en 2003). Le Texas, terre d’élection de George W. Bush, reste en tête du palmarès des States serial killer, avec 23 exécutions. Certaines ont d’ailleurs concerné des condamnés mineurs au moment des faits ou déficients mentaux. Avec les États-Unis, le Japon, où la mort a été donnée deux fois, par pendaison, est l’autre démocratie restée attachée au châtiment suprême.

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Les monarchies du Golfe, qui pratiquent, avec un luxe de cruauté (décapitation au sabre, lapidation…) dans le cas de l’Arabie saoudite, la peine de mort, sont « bien représentées » dans le classement d’Amnesty. Au moins 9 condamnés ont été exécutés au Koweït, triste record pour un petit pays de 300 000 habitants. Et au moins 33 l’ont été en 2004 dans la féodale Arabie saoudite, l’on peut exécuter pour des motifs parfois futiles. Six Somaliens, coupables seulement de vols de limousines, ont ainsi été exécutés, a-t-on appris… le 5 avril 2005, jour de la publication du rapport. Leurs procès s’étaient tenus à huis clos, et les accusés n’avaient pu bénéficier de l’assistance d’avocats. Les deux tiers des exécutions répertoriées dans le royaume wahhabite ont concerné des étrangers…
D’autres pays arabes sont épinglés par Amnesty : l’Irak, qui a rétabli la peine de mort en 2004, le Yémen, qui a procédé à au moins 6 exécutions, le Liban (au moins 3), la Syrie (au moins 2), le Soudan (idem), la Jordanie (1), et surtout l’Égypte, qui se singularise au sein de l’Afrique du Nord, puisqu’elle est le seul État à avoir appliqué la peine capitale l’an passé, à au moins 6 reprises. Plus de 200 condamnés à mort ont été exécutés au pays de Moubarak entre 1991 et 2000.
À l’inverse, les États du Maghreb central observent tous un moratoire de fait. Les dernières exécutions remontent à 1992 pour la Tunisie et à 1993 pour l’Algérie et le Maroc. Un doute plane sur la prolongation de ce moratoire dans le royaume chérifien, puisque quatre membres de la Salafiya Jihadiya, impliqués dans les attentats de Casablanca du 16 mai 2003, ont été condamnés à mort en août de la même année, et en décembre 2004 le tribunal d’Agadir a infligé un châtiment identique au tueur pédophile responsable du meurtre de 9 enfants. L’émotion provoquée par ces deux affaires explique sans doute la sévérité des jugements. Sera-t-elle suivie d’effet ?

En revanche, la justice mauritanienne s’est abstenue de prononcer une seule condamnation à mort à l’encontre des accusés de la sanglante tentative de putsch de juin 2003, à Nouakchott. La position de la Libye est plus ambiguë. Mouammar Kadhafi dit et répète depuis 1988 son opposition à la peine capitale, mais il a cyniquement laissé ses juges condamner 2 universitaires coupables d’appartenance à un mouvement islamiste, ainsi que 5 infirmières bulgares et 1 médecin palestinien de l’hôpital de Benghazi, accusés, contre toute vraisemblance, d’avoir volontairement contaminé 426 enfants avec le virus du sida.

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