Vu d’Addis, Déby Itno était fini

Les chefs d’État africains, réunis en sommet du 31 janvier au 2 février dans la capitale éthiopienne, sont divisés sur la question tchadienne.

Publié le 11 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Tandis que les rebelles tchadiens s’attaquaient à la capitale et au palais présidentiel, la majorité des chefs d’État du continent étaient réunis à Addis-Abeba pour le 10e sommet de l’Union africaine. Les déboires de leur homologue Idriss Déby Itno étaient évidemment sur toutes les lèvres, les délégués faisant circuler informations, rumeurs et conjectures. En séance plénière, cependant, les leaders africains se sont bien gardés d’en dire trop et l’épisode tchadien n’aura pas finalement bouleversé l’ordre du jour de la conférence. L’Union africaine évite de s’immiscer dans des conflits qui opposent deux de ses États membres. Et, cette fois-ci, le président soudanais, Omar Hassan el-Béchir, que son homologue tchadien accuse de nourrir et d’armer la rébellion, s’est arrangé pour qu’il n’y ait pas d’exception à la règle.
Le 31 janvier, les chefs d’État arrivent au Centre de conférences des Nations unies d’Addis. En l’absence d’Idriss Déby Itno, la délégation tchadienne est conduite par le ministre des Affaires étrangères, Ahmat Allam-mi. Tantôt il informe sur l’avancée des troupes rebelles qui traversent son pays, tantôt il accuse leur parrain soudanais et tente de rassurer tout le monde quant aux capacités de résistance des troupes régulières loyalistes. Omar el-Béchir prend alors la parole pour s’adresser à l’assistance – événement rare dans une assemblée informelle, quelques minutes avant l’ouverture officielle du sommet. « Mes chers frères, je tenais à vous rappeler l’engagement que vous aviez pris à Khartoum, en janvier 2006, de me confier la présidence en exercice de l’UA à l’issue du mandat de John Kufuor. Le choix que vous allez porter sur Jakaya Kikwete est judicieux, mais il constitue un impair vis-à-vis du Soudan. » Silence gêné dans la salle. Béchir se veut compréhensif. « Vous savez que je ne vous en tiendrai pas rigueur. » Mais la mansuétude a ses revers et toute velléité d’hostilité à l’égard de la politique régionale de Khartoum devra se faire discrète.
Le lendemain, 1er février, Ahmat Allam-mi, le téléphone satellite collé à l’oreille, est en contact permanent avec Déby Itno et informe le Sénégalais Abdoulaye Wade, le Gabonais Omar Bongo Ondimba et l’Ougandais Yoweri Museveni. C’est à l’issue de l’intervention de ce dernier que le chef de l’État tanzanien, qui préside les travaux, inscrit la question tchadienne à l’ordre du jour de la séance du lendemain consacrée aux conflits. Dans les couloirs, observateurs et diplomates sont formels : Idriss Déby Itno est fini. Le plaidoyer d’Allam-mi sonne comme un chant du cygne.
Dernier jour du sommet. Alpha Oumar Konaré fait le tour des délégations. « Les Français me disent que les rebelles ont pris N’Djamena. » Le huis clos commence. Deux camps se forment. L’un privilégie l’envoi immédiat de troupes pour soutenir le président et préconise une condamnation ferme du gouvernement de Khartoum pour son soutien aux rebelles. L’autre, composé essentiellement de l’Égypte et de l’Éthiopie, s’oppose à toute idée d’incriminer, « sans preuve tangible », un État membre. Yoweri Museveni fustige la « désertion » du Soudan, qui a laissé son siège vide. Kikwete, président de séance, tente de détendre l’ambiance. Il rappelle à Museveni que lui-même avait pris le pouvoir, en 1984, avec l’aide de la Tanzanie de Julius Nyerere. « C’était un autre temps », réplique l’Ougandais. Le « Guide » libyen se propose de reprendre la médiation, à laquelle on associe Denis Sassou Nguesso. Konaré plaide en faveur d’une condamnation ferme de la tentative de prise du pouvoir par la force. Un compromis minimaliste grâce auquel le sommet de l’UA a donné l’illusion de s’être intéressé à la bataille de N’Djamena.

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