Universités : une réforme mort-née

Le gouvernement diffère in extremis l’adoption d’un texte de loi dont les dispositions ne faisaient guère l’unanimité au sein du corps enseignant.

Publié le 11 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Le 29 janvier, le Parlement tunisien devait adopter un projet de réforme fondamentale du système universitaire. Le texte aurait pu passer en force, le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), disposant de 80 % des sièges. Mais, à la dernière minute, suite à un message daté du 23 janvier envoyé par Abdesselam Jrad, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) au Premier ministre Mohamed Ghannouchi, le gouvernement a eu la sagesse de retirer le projet et d’en reporter l’adoption à une date ultérieure.
De l’avis général, il n’y a pas eu suffisamment de consultations, notamment avec le syndicat représentatif des universitaires, bien que le président Ben Ali ait demandé, en 2005, que « les différentes parties de la famille de l’enseignement et de la recherche à l’université soient associées à l’élaboration » de la loi d’orientation. Pour qu’une telle réforme réussisse, il faut que les enseignants, chercheurs, étudiants, et le monde de l’économie se l’approprient. Ce consensus est possible. Tout le monde reconnaît la nécessité d’une réforme profonde pour adapter le système d’enseignement supérieur et de recherche à l’évolution du monde, aux normes internationales et aux besoins du développement. La réforme figure parmi les priorités du programme présidentiel de 2004, qui en a fixé les maîtres mots : Société du savoir et Innovation.

Plus d’autonomie
Le projet porte sur l’adoption du système LMD (Licence, Maîtrise, Doctorat) une formation spécialisée répondant aux attentes du marché de l’emploi avec un tiers d’enseignement fondamental et deux tiers d’enseignement pratique -, le renforcement des études technologiques, une plus grande flexibilité dans la gestion des institutions et l’évaluation de la qualité de l’enseignement et de la recherche. Sauf que le texte n’a pas été jugé à la hauteur des enjeux par la Fédération générale de l’enseignement supérieur (FGESRS, affiliée à l’UGTT), qui le qualifie d’unilatéral et affirme qu’il a été préparé « dans la confusion et l’improvisation », sans évaluation de l’expérience passée. Pour sa défense, le ministère fait valoir qu’il a organisé une concertation portant sur les conditions d’application de la tranche licence du système LMD, créé à l’avance par une circulaire ministérielle de 2005, et renvoie à des articles de presse signés par des universitaires favorables au projet.
Il est reproché au texte ministériel de ne pas faire suffisamment de place à l’autonomie des universités en matière pédagogique, scientifique et de gestion administrative et financière. Le Conseil économique et social (CES) recommande que les recteurs et vice-recteurs, les doyens, directeurs, directeurs de départements soient élus. Actuellement, seulement 13 des 194 directeurs d’établissement universitaire le sont, les autres étant désignés par l’administration.

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Réouverture du débat
Les universitaires demandent aussi que les libertés académiques soient ?préservées et que le pouvoir de sanction des étudiants ne soit pas transféré au président de l’université mais demeure entre les mains des conseils de discipline. Le CES comme la FGESRS critiquent aussi les zones d’ombre entourant l’évaluation de la qualité de l’enseignement, et demandent que les critères soient conformes aux normes établies par l’Unesco. Ils craignent, enfin, que la réforme – financée par la Banque mondiale – n’ouvre une brèche dans la gratuité de l’enseignement universitaire, réaffirmée dans l’une des clauses du projet. Mais dans un article relatif aux ressources des universités, le financement public passe en troisième position et les contributions des étudiants remontent en tête. Preuve que le projet constituait une bombe à retardement. Le bon fonctionnement des institutions, en réengageant le débat, l’a désamorcée à temps.

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