TV5, un avenir en pointillé

La réforme de l’audiovisuel extérieur français provoque la grogne des actionnaires belge, suisse et québécois de la chaîne francophone. Mais ont-ils vraiment le choix ?

Publié le 11 février 2008 Lecture : 3 minutes.

L’avenir de TV5 commence à provoquer de sérieuses tensions entre Paris et ses partenaires francophones. Les détails de la réforme de l’audiovisuel extérieur voulue par Nicolas Sarkozy et orchestrée par Georges-Marc Benamou, son omniprésent conseiller culturel, devraient être dévoilés dans les prochaines semaines. Mais les lignes de force du projet sont connues : le regroupement des moyens de TV5, France 24 et RFI au sein d’un holding baptisé France Monde, afin de réaliser des économies d’échelle et de rationaliser la gestion.
Problème : TV5, créée en 1984 et regardée aujourd’hui par 25 millions de téléspectateurs, est loin d’être la propriété exclusive du gouvernement français. Le tiers de son capital est détenu à parts égales par les Belges, les Suisses et les Québécois. « Nous ne paierons pas pour un outil de rayonnement franco-français. [] Si nous ne sommes pas entendus, il faudra revoir nos investissements, ce que nous ne souhaitons pas », a affirmé Fadila Laanan, la ministre de la Culture et de l’Audiovisuel de la Communauté française de Belgique. Gilles Marchand, le directeur de la TSR, la Télévision suisse romande, a estimé pour sa part que son entreprise n’aurait pas vocation à rester au sein du consortium si sa « dimension multilatérale n’était pas garantie ». Enfin, Jean Charest, le Premier ministre québécois, a profité de son passage à Paris, le 18 janvier, pour souligner « l’attachement très très profond » de la Belle Province à la chaîne francophone. Ambiance
Les personnels de TV5, eux, sont à la fois inquiets et remontés contre ce qu’ils assimilent à un schéma de « fusion totalitaire ». Un comité d’entreprise exceptionnel, qui s’est réuni le 4 février, a déclenché la procédure du droit d’alerte. Du côté de la rédaction, la résignation semble l’emporter. « J’ai peur que les carottes ne soient cuites, se désole un journaliste. Nous avons mis la main sur un document assez précis et récent émanant de l’Élysée. »

Visibilité mondiale
« La rédaction – soit 120 personnes, si l’on inclut les techniciens de plateaux – sera la principale victime de la réforme, poursuit le même journaliste. France 24 deviendra l’unique pourvoyeuse d’information au sein du futur holding. Et notre direction marketing risque d’être phagocytée également. Car en un quart de siècle d’existence elle a accumulé un savoir-faire et une expérience uniques en matière de distribution des programmes, domaine qui constitue le talon d’Achille de France 24. »
La fronde des petits actionnaires pourrait-elle faire capoter le processus de rapprochement ? En réalité, leur marge de manuvre est assez limitée. L’argumentation développée par la partie française est brutale mais imparable. Paris veut faire prévaloir ses choix car il assume plus de 85 % du budget de l’opérateur, qui s’est élevé l’an dernier à 90 millions d’euros. « Pour peser dans la négociation, il faudrait que les partenaires francophones veuillent et puissent contribuer à la hauteur de leur quote-part dans le capital de TV5, note une source proche du dossier. Ce qui est loin d’être acquis. Aujourd’hui, ils offrent une visibilité mondiale à leurs programmes pour 4 à 5 millions d’euros par an. Je ne crois pas qu’ils mettront leurs menaces de retrait à exécution, car TV5 continuera quoi qu’il arrive à diffuser leurs journaux d’information, vu qu’ils ne coûtent rien à produire. »
Contrairement au regretté Serge Adda, directeur de la chaîne entre 2001 et 2004, François Bonnemain, l’actuel président (qui songerait déjà à sa reconversion), n’est pas vraiment un homme de réseaux et s’implique assez peu dans la défense des intérêts de TV5. À l’inverse du président de l’Organisation internationale de la Francophonie, Abdou Diouf. Son « lobbying sourd » est loin d’être inefficace. L’ancien chef d’État sénégalais est partisan du maintien d’une télévision francophone indépendante. Mais, financièrement, il ne pèse pas, car l’OIF n’abonde pas au budget de l’opérateur. Et, surtout, il ne peut se permettre de hausser le ton publiquement contre Paris, car son organisation dépend presque exclusivement des subsides du Quai d’Orsay

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