Tourists wanted

Vols annulés, hôtels désertés, camps de safari fermés… La crise qui secoue le pays depuis la fin décembre fait fuir les voyageurs d’ordinaire très nombreux en cette période de l’année.

Publié le 11 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Les violences qui se sont déchaînées au Kenya depuis l’élection contestée de Mwai Kibaki, le 27 décembre dernier, ont découragé les centaines de milliers de touristes qui affluent généralement dans ces deux mois clés : personne en janvier, annulations pour février. Dans la réserve nationale de Masai Mara, par exemple, les victimes ne sont pas seulement les tour-opérateurs et les hôtels, mais la communauté tout entière qui vit du tourisme. Les affrontements ethniques qui se sont produits dernièrement, à Naivasha (Ouest), laissent même craindre de nouvelles annulations pour les mois de juillet et août.
Le Kenya a accueilli plus de 1 million de visiteurs en 2007, venus essentiellement des États-Unis, de Grande-Bretagne et d’Allemagne. Ils ont rapporté près de 1 milliard de dollars, plus que la culture des fleurs et du thé. Les vingt-six vols charters qui atterrissaient toutes les semaines à Mombasa (Sud), plaque tournante des liaisons sur la côte, ont été ramenés à deux. Des dizaines d’hôtels du front de mer et de camps de safari ont été fermés. Dans ceux qui restent ouverts, la clientèle est réduite des deux tiers. L’Association kényane des tour-opérateurs estime que le secteur d’activité perdra 285 millions de dollars entre janvier et mars.
La réserve Masai Mara a été épargnée par la violence. Mais au camp Mara Intrepids, les soixante lits, normalement occupés à 90 % en janvier, ne le sont aujourd’hui qu’à 20 %. Les associations estiment que sur les 500 000 emplois créés par le tourisme, 120 000 seront perdus en mars. David Lenaiyarra, le directeur du camp Mara Intrepids, a déjà renvoyé 95 de ses 120 employés en congés payés – qui ne le seront plus lorsque les jours auxquels ils ont droit seront épuisés. Comme beaucoup de travailleurs dans un pays où seule une minorité jouit d’un emploi salarié, David Silantoi, un guide de 21 ans qui gagne 7 000 shillings kényans par mois (102 dollars), entretient, avec l’aide de son frère, toute une famille : les deux parents, deux autres frères et trois surs. Il a été invité à ne revenir au camp qu’au mois d’août. Après, on verra.
La vie s’est pratiquement arrêtée dans la petite ville de Talek. Les guerriers qui organisaient des spectacles de danse pour les touristes dans les villages voisins restent maintenant chez eux. Le Step Inn Bar est ouvert, mais vide : personne n’a de quoi se payer à boire. La seule animation, ce sont les enfants qui jouent devant l’école primaire. Mais l’établissement scolaire est, lui aussi, menacé de fermeture : six des treize enseignants sont payés par le conseil municipal et un groupe de parents d’élèves dont les ressources proviennent exclusivement du tourisme.
Un peu plus loin, une trentaine de femmes disposent sur des tables de branchages et de boue séchée des bibelots et des objets de pacotille – bracelets, animaux sculptés, masques – et attendent d’hypothétiques clients. La plus âgée, Napulos Matai, crâne rasé et longues boucles d’oreilles, jette un regard sur l’immense prairie verte de la réserve. « Peut-être faudrait-il que nous recommencions à boire le sang et le lait du bétail, murmure-t-elle. Si la paix ne se rétablit pas au Kenya, nous retournerons à nos traditions pour survivre. »

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